Matisse au cinéma
À propos de l’événement
Ce qu'il faut savoir
Avec « Cinematisse » la Biennale des Arts de Nice fait découvrir pour la première fois, jusqu’au 5 janvier, les liens étonnants du peintre Henri Matisse (1869-1954) avec le 7e art, et leurs influences réciproques, de Tarzan aux comédies de Franck Capra.
« Le cinéma c’est une vitesse de défilement des images, des apparitions et des disparitions brutales, ça l’a beaucoup marqué, et rapidement, plus rapidement que les autres géants du XXe siècle, Picasso par exemple, il a beaucoup regardé les films de son temps », détaille à l’AFP Dominique Païni, ancien dirigeant de la Cinémathèque française et du Centre Pompidou.
Co-commissaire de l’exposition avec Claudine Grammont, la conservatrice du musée Matisse de Nice, il a obtenu de nombreux prêts, comme cette toile de 1917, « Sur la route de Villacoublay »: la chaussée est vue depuis le pare-brise d’une voiture, comme dans un plan de cinéma.
« Dans ses écrits, du début du XXe siècle jusqu’à la fin de sa vie, Matisse ne cesse de parler du cinéma. S’il en avait eu les moyens il aurait fait un film, comme Fernand Léger ou Marcel Duchamp », est-il persuadé.
Arrivé à Nice pendant la Première Guerre mondiale, Matisse va profiter des salles de cinéma de la ville et des films qui se tournent à partir des années 1920 aux studios de la Victorine, le Hollywood européen, dont c’est le centenaire cette année. « Il va beaucoup à la Victorine, reconnaître les jolies actrices pour en faire également des odalisques » dans sa peinture, poursuit M. Païni.
Par la suite il se liera d’amitié avec le directeur des studios, l’Américain Rex Ingram, ainsi qu’avec le cinéaste Friedrich Wilhelm Murnau, qu’il accompagnera à Tahiti pour le tournage de son dernier film, « Tabou », une ode à l’amour et au paradis primitif qui sort un an avant « Tarzan ».
En écho aux pionniers de la chronophotographie, Matisse va aussi se passionner pour la décomposition du mouvement, les ralentis, les accélérés. La maquette en papiers gouachés d’un vitrail de 1948 intitulé « Les abeilles » évoque un bourdonnement comme vu dans une lumière stromboscopique.
De même il exposera plusieurs de ses chefs d’oeuvre avec, en regard, une série photographique décomposant la conception du tableau et l’apparition progressive du sujet sur la toile.
Inspiré par le cinéma, il l’a aussi nourri, la Nouvelle Vague notamment: Jacques Demy le cite, Eric Rohmer s’inspire de sa palette de couleurs pour « Pauline à la plage ». L’actrice Jeanne Moreau prêtera sa voix dans le documentaire de Marcel Ophüls consacré au peintre, « Matisse ou le talent du bonheur » (1960), restauré pour l’exposition par la Gaumont.