Lisa Miquet questionne nos standards de beauté et l’injonction faite aux femmes de s’épiler à travers une série photo mettant la pilosité au cœur du débat. En brodant sur ses photos des motifs colorés, elle nous invite à une réflexion sur les injustes différences de genre et sur l’émancipation nécessaire des corps des femmes. Pour suivre l’actualité de la photographe, c’est par ici. (Photo d’ouverture : © Lisa Miquet)
Ornements par la photographe Lisa Miquet, nous emmène au cœur d’un tabou très ancré dans nos société occidentales : la pilosité féminine. Avec la déferlante de la quatrième vague féministe et en plein débat post #metoo, l’émancipation du corps féminin est devenue un vrai sujet de société. L’idée est simple : chacun.e doit disposer librement de son corps peu importe son genre et doit pouvoir le présenter au reste du monde comme il/elle le souhaite. Alors pourquoi les femmes semblent encore prises dans des carcans culturels soit disant esthétiques qui briment leur liberté de mouvement et d’apparence physique ? A travers le débat autour de l’épilation féminine, beaucoup d’enjeux culturels d’envergure se jouent. C’est ce que nous a raconté Lisa, qui utilise la photographie pour aborder ce sujet complexe.
Quel est ton rapport à la photographie ? Quelles sont tes références et inspirations ?
Je fais de la photographie depuis que j’ai 13 ans, j’en ai aujourd’hui 29. J’ai passé plus de temps de vie avec un appareil que sans, c’est un peu comme si c’était une extension de moi. Je dirai donc que mon rapport à la photo est donc très fusionnel, c’est vraiment quelque chose qui fait partie de mon identité.
Mes références et inspirations sont nombreuses : j’adore le travail de Sophie Calle et sa manière d’aborder l’intime. J’aime aussi beaucoup les photos de Bettina Rheims et la manière dont elle questionne en permanence les codes de la féminité. Je suis aussi une très grande fan de Walker Evans, et de sa capacité à s’intéresser aux petits rien du quotidien.
Qu’est-ce qui t’a poussée à photographier des femmes et à mener une réflexion sur leur corps ?
La féminité, le corps de femmes, le sexisme sont des thématiques qui me sont chères depuis plusieurs années. J’ai réalisé un documentaire sur le sexisme en ligne en 2017 qui s’appelle YouTube : Elles prennent la parole. Et puis forcément, il y a aussi eu #MeToo et l’éveil féministe de ces dernières années qui m’a donné envie de politiser encore un peu plus mon travail et de mettre en images des thématiques qui m’importent en tant que photographe, mais aussi en tant que femme.
Pourquoi est-il important pour toi d’amener le sujet de la pilosité féminine dans le débat artistique ? De quoi les pratiques d’épilation féminine sont-elles le symbole ?
L’épilation est un prétexte pour parler du corps des femmes en général, qui ne cesse de subir des injonctions contradictoires. On le voit encore récemment avec le débat sur ce qu’est « une tenue républicaine ». C’est totalement absurde. Il y a peu on interdisait des femmes de porter le burkini à la plage, aujourd’hui on verbalise des femmes parce qu’elles bronzent top less. Et si on nous foutait un peu la paix sur ce qu’on fait de nos corps ?
Comment tu as développé ce projet ? Comment as-tu choisi tes modèles ?
Ca faisait longtemps que j’avais envie de réaliser cette série. J’aime beaucoup parler de sujets très sérieux mais de manière légère. Broder des longs poils de toutes les couleurs m’enthousiasmait beaucoup.
J’ai passé une annonce sur Instagram et j’ai réalisé un casting. Je ne voulais pas photographier des mannequins mais des « vraies filles de la vraie vie ». J’ai essayé de faire en sorte qu’il y ait des modèles aux profils différents.
Quel a été ton processus technique ? C’est original de mélanger photo et broderie…
J’ai shooté ces photos en studio puis je les ai imprimées sur papier. Ensuite j’ai brodé chaque tirage à la main avec des fils colorés. J’ai ensuite scanné ces tirages pour pouvoir les poster sur Internet et sur les réseaux sociaux. J’espère pouvoir trouver un lieu d’exposition pour qu’on puisse voir les broderies en vrai !
Crois-tu que l’image puisse contribuer à habituer nos esprits à un changement de paradigme social ?
Oui, j’en suis convaincue. On est aujourd’hui dans une société de l’image : on absorbe des images toutes la journée, que ce soit dans la rue, à la télé, sur les réseaux sociaux. Elles façonnent notre imaginaire collectif. Si on arrive petit à petit à les transformer, on pourrait aussi changer les esprits.
Quel est ton constat de la photographie au féminin en 2020 ?
Je trouve qu’il y a énormément de femmes photographe aujourd’hui qui sont très talentueuses et qui créent une nouvelle scène photographique, qui justement cassent les codes de la féminité. C’est très inspirant !
Quels sont tes projets futurs ? Quels autres engagements souhaites-tu aborder par la photographie ?
J’ai actuellement en tête deux nouvelles séries que je prépare : une sur l’égalité homme-femme, une autre sur le cyberharcèlement. Je prépare aussi des séries plus légères ambiance années 2000 qui me font beaucoup rire.
Pour en savoir plus sur le travail de Lisa Miquet :
Site
Instagram
Source : Lisa Miquet
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