Laura El-Tantawy, photographe égyptienne, remporte le Prix Virginia 2022 avec une série poignante qui nous plonge au cœur de la tragédie des suicides des agriculteurs du coton en Inde mais est aussi une réflexion plus vaste sur les liens qui unissent les agriculteur du monde à leurs terres. (Photo d’ouverture : © Laura El-Tantawy)
La photographe égyptienne Laura El-Tantawy vient de remporter le 6ème Prix Virginia, qui tous les ans est attribué à une femme photographe. Sa série I’ll die for you se penche sur le drame des suicides des agriculteurs indiens pendant ces vingt dernières années et parcourt le monde à la rencontre de celles et ceux qui travaillent la terre. A travers son œuvre, la photographe met en avant les enjeux environnementaux qui mettent à mal l’existence des travailleurs de la terre et l’impact que les changements météorologiques ont sur eux. Ces récits font écho avec l’histoire personnelle de la photographe, dont le grand-père travaillait dans les plantations de coton en Egypte.
En l’espace de vingt ans, 300 000 agriculteurs travaillant dans le coton en Inde se sont ôtés la vie. Comme le rappelle la photographe, nombre d’entre eux avaient emprunté de l’argent auprès du gouvernement via des programmes de prêts bancaires ou auprès de prêteurs privés pour se tourner vers des cultures à plus grand rendement. Ils se retrouvaient alors dans l’incapacité de rembourser leurs dettes à la suite de mauvaises récoltes. A cause de la transition rapide que l’Inde a connue, passant d’une société rurale à une économie urbaine et industrielle avec un marché ouvert, les agriculteurs ont été confronté à d’immenses problèmes économiques et sociaux. La plupart d’entre eux mettant fin à leurs jours en avalant des pesticides – les autres en s’immolant, en se pendant ou en se jetant dans un puit.
C’est au cours de deux voyages que la photographe a rencontré près de soixante-dix d’agriculteurs ayant perdu leur fils, leur frère, leur père, leur mari. La série explore les liens qui unissent les hommes à leur terre, en rappelant avec puissance que sans elle, la vie est précaire.
Marquée par la mort de son grand-père Hussein, agriculteur du Delta du Nil, qui consacra à la terre toute sa vie jusqu’à la perdre, Laura El-Tantawy n’a eu de cesse d’aller à la rencontre des agriculteurs autour du monde. Que ce soit en Inde, au Népal, en Angleterre, en Irlande, au Pérou, en Palestine, elle a donné à voir la vulnérabilité collective de ceux qui, aujourd’hui, donnent leur vie à la terre. A travers des superpositions d’images, elle suggère ce lien indissoluble qu’elle « suggère métaphoriquement en juxtaposant des focus sur la peau des agriculteurs aux détails des paysages et en superposant l’homme et la terre dans un seul cadre. »
Pour expliquer sa démarche, elle s’appuie de l’œuvre de Wendell Berry, The Unsettling of America: Culture and Agriculture : « La terre est la grande connexion de nos vies, la source et la destination de tout. Elle guérit, répare et permet la résurrection par laquelle la maladie devient la santé, la vieillesse la jeunesse et la mort la vie. Sans lui apporter un véritable soin, nous ne pouvons faire communauté, puisque sans lui apporter un véritable soin, nous ne pouvons pas avoir de vie. «
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Source : prixvirginia.com
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