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Lense

Vincent Laforet : l’interview

(Note : for all of you international readers, the English version of the interview is just here !)

Photographe célèbre, réalisateur encore plus célèbre, Vincent Laforet était de passage à Paris pour donner une conférence à l’édition 2012 de la Creative Week d’Adobe.

Après Chase Jarvis, nous avons eu l’opportunité (merci Nicolas de tuto.com, Lionel et Virginie d’Adobe France) de rencontrer et discuter en tête à tête avec l’homme derrière « Reverie », « Mobius » – et des centaines de grandes photos – pour parler de plein de choses : photo, vidéo, l’importance de la technologie, l’importance d’outrepasser la technologie, la nouvelle génération, les astuces, le passé, l’avenir et même de criquets.

Rencontre avec un homme passionné et passionnant.

crédit photo sauf spécifiées : Joseph « Jerka » André

…………………………

Vincent Laforet est un grand photographe. Cela pourrait être la fin de l’histoire, le sommet d’une carrière. Mais pour l’artiste franco-américain (cocori-yeah !), c’est juste la première étape.

En découvrant un certain 5D Mark II et en comprenant avant tout le monde la révolution qu’il amenait, Laforet s’est retrouvé propulsé étendard et référence du mouvement HDDSLR, qui révolutionne la vidéo depuis 2008. Et comme il reste un artiste visuel accompli, a produit des films toujours plus sophistiqués et matures, mêlant dernières technologies et vrai storytelling.

A l’heure de faire le grand saut dans le monde du cinéma, Vincent s’est assis avec nous juste avant sa conférence à la Creative Week 2012. Histoire de nous partager son expérience et nous ouvrir son esprit, que vous imaginez plutôt impressionnant.

…………………………

Vincent Laforet, qu’est-ce qui vous amène ici à Paris?

Eh bien, tout d’abord, mes parents sont Français (Vincent s’exprime dans un français presque parfait, bien que préférant s’exprimer en anglais), je suis né en Suisse avant de vivre à Paris, puis à New York.

Et plus dans l’immédiat, j’avais prévu un workshop en Allemagne lorsqu’Adobe France m’a contacté. L’enchaînement était plutôt tentant.

Quel est votre rapport aux logiciels Adobe ?

J’en utilise un certain nombre. On me qualifie de « bête numérique », pourquoi pas (rires). Je les représente aussi parfois, comme au festival Sundance ou au NAB. Mais surtout, je suis un utilisateur et fan des softs Adobe.

Toute la Creative Suite ?

Disons que mon usage a évolué. Ca a vraiment commencé lorsque que j’apprenais Phototoshop à mes profs quand j’avais 16 ans… Oui, je suis sur Photoshop depuis une éternité et il y a un an et demi, j’ai fait l’acquisition d’une RED Epic. Je ne pouvais pas monter ses rushes avec Final Cut 7 ou Final Cut 10 et je me suis donc retrouvé à choisir entre deux solutions : Avid ou Premiere.

Je me suis dirigé vers Premiere, à cause d’After Effect, tout simplement. Nous avons alors passé tout notre workflow sous Adobe, parce que c’était la seule solution qui nous permettait d’utiliser sans refléchir de la RED, du 5D Mark II, du Time Lapse, de la GoPro, le tout dans un système unifié. C’était très important, surtout pour le Raw des RED.

Ce fameux workflow est-il si crucial ? Rêvez vous d’un ensemble de softs unifiés et simplifiés ?

Tout à fait. Je n’ai pas envie de me prendre la tête avec des « ah oui, je ne peux utiliser que cette caméra« . On veut juste shooter à l’envie, en laissant au soft tout le soin de gérer cela. Et ce n’était pas le cas il y a deux ans. Le monteur me disait « oh non non non, n’utilise pas cette caméra !« , « ne mixe surtout pas une RED et un 5D Mark II », « fais pas ci, fais pas ça… »

Adobe a bien géré ce problem et les créatifs ont pu se contenter d’être créatifs ! On ne doit pas gérer « les chiffres », vous savez (rires)

En parlant de vidéo : vous avez été un photographe très réputé durant des années, mais désormais, les gens vous connaissent encore plus pour la vidéo que la photo, malgré les 4 ans de pratique de l’une, face au 22 ans de l’autre…

Absolument, drôle de sensation ! Quatre ans seulement…

Comment en êtes-vous venu à la vidéo ?

Mon père travaillait au magazine Premiere. Le cinéma a toujours été dans ma vie. j’aurais pu entrer dans une école de cinéma, mais j’ai choisi le photojournalisme il y a 22 ans.

J’ai été en interne au New York Times, freelance pour National Geographic, Sport Illustrated, Paris Match… J’ai connu une belle carrière. Mais il y a sept ou huit ans, j’ai vu comment les choses tournaient pour le média papier : l’avenir ne s’annonçait pas très brillant. Et puis, le 5D Mark II m’est tombé entre les mains…

photo : Vincent Laforet

… Et là, l’étincelle.

Pas une étincelle, une explosion ! Je suis tombé sur les premiers exemplaires de pré-production, cachés dans des boîtes blanches chez Canon. Après avoir signé un accord de confidentialité, j’ai commencé à jouer avec, regarder les résultats et là, la révélation : « mon Dieu, cet appareil va tout changer ! ».

Nous étions un Vendredi et ces tout premiers modèles devaient être envoyés le lundi matin à des photographes triés sur le volet. J’ai négocié, à ma manière : en demandant, encore et encore. Six, sept fois, jusqu’à ce que le représentant Canon craque et dise oui. Mon principal argument consistait à me plaindre que ces 5D Mark II n’allaient servir à rien ni à personne durant tout un week end ! La logique – et l’entêtement l’ont emporté. J’ai découvert le 5D Mark II à midi et ai réussi à en obtenir un à 16:00.

Je n’avais donc qu’un simple week end pour shooter « Reverie » (ndr : nous vous en parlions ici à l’époque). J’ai réuni deux amis, deux acteurs, un hélicoptère et nous avons shooté les deux nuits à notre disposition. J’ai mis le film en ligne et là, tout s’est accéléré : nous avons obtenu 1 million de vues en 24 heures, 2 millions en une semaine. Le site de Canon a enregistré plus de traffic cette semaine que durant tout l’année réunie.

A partir de « Reverie », j’en suis arrivé à rencontrer les pontes des studios Disney, ILM, l’académie des Oscars… Comment dire non ? J’ai toujours voulu être un réalisateur, mais comment enchaîner 22 ans en tant que photographe à un nouveau départ de zéro dans le cinéma ? J’ai eu l’opportunité de sauter les étapes et de foncer droit devant. Ces 4 années ont été les plus folles de ma vie.

En terme de courbe d’apprentissage et de votre approche de photographe – et de plus en plus de photographes viennent à la vidéo, quelles ont été les plus grosses difficultés que vous ayez rencontrées ?

La courbe d’apprentissage est énorme. Si vous voulez produire des vidéos entre amis ou de sport, c’est un peu différent. Mais je vise les long métrages scénarisés et la publicité. Je voulais donc la meilleure lumière, les meilleures caméras, les steady cams, les russian arms, les hélicoptères… (rires)

En tout cas, les plus gros apprentissages pour moi ont été :

  1. Comprendre comment un élément se crée, se monte, s’intègre. La photographie est très bien pour produire une image unique. Mais la vidéo consiste en un flot d’images toutes en parfaite relation les unes avec les autres, au sein d’un flot.
  2. En tant que photographe, vous produisez une image que les gens peuvent regarder une seconde, ou contempler pendant une demie-heure, quand un film intègre une durée précise. Et de nos jours, j’appelle les spectateurs des « souris sous crack » (rires) : ils n’ont aucun attention, aucune concentration. Vous devez donc trouver le moyen de capturer leur attention – et de la garder. C’est un sacré challenge à notre époque, que l’on soit réalisateur de court, de long ou même de publicité : tourner, monter, post-produire une chose qui retienne vraiment l’attention du public.
  3. Apprendre à travailler avec une équipe bien plus grande.
  4. Et la chose la plus dure à intégrer : en tant que photographe, vous pouvez être réactif : vous voyez une belle chose, vous la shootez. En tant que réalisateur, tout tient à la pré-production. 90% de votre travail est fait avant même que vous ne posiez un pied sur le lieu du tournage : repérages, costumes, maquillage, lumière… Tout.

Mobius : behind the scene

Peut-on donc déduire que la vidéo est plus difficile que la photo, ou comparons-nous deux choses bien distinctes ?

Nous parlons de deux choses différentes. Quand vous êtes photographe en plein conflit ou Jeux Olympiques, l’instant décisif cher à Cartier-Bresson n’arrive qu’une fois. Vous ne savez où, quand cela va se passer, de quel objectif vous avez besoin. Nous parlons d’un ensemble de talent bien spécifiques.

Vous êtes maintenant réalisateur. Vous avez 60 prises pour obtenir ce bon plan. Mais vous devez gérer chaque petit détail et surtout, faire en sorte que ce plan arrive, se produise. C’est une partie différente de votre cerveau qui est ici en action.

En général, la logistique (humaine, financière) se révèle bien plus complexe en vidéo, de part le nombre de facteurs. Mais je n’en conclurai pas qu’un art est plus difficile que l’autre. Ils requièrent juste des talents distincts, en plus des communs.

Vous vous dites photojournaliste, mais vous travaillez avec une grosse équipe, sans parler de l’énorme quantité de matériel à votre disposition. Côté vidéo, après avoir débuté avec un 5D Mark II, vous vous êtes frotté à la RED, Phantom, Alexa, leurs accessoires, des véhicules… Est-ce que toute cette armada vous pèse, ou vous excite ?

Oh, tout cela m’excite. Si vous voyez cela comme une galère, vous ne devriez pas vous lancer en vidéo (rires), vous devriez retourner à la photo. C’est un privilège, d’avoir tous ces gens, tout ce matériel à disposition. Ce dans quoi vous ne devez pas tomber en tant que réalisateur, c’est la sensation que plein de matériel et de personnes feront un bon film. Votre rôle, c’est d’assurer leur bonne utilisation.

Respectez l’ouvrage, car vous êtes la seule personne sur place à savoir comment tout cela va s’imbriquer. Et si vous ne savez pas ce que vous faîtes, le désastre guette.

Du matériel photo, BEAUCOUP (photo : Vincent Laforet)

Vrai, tant les gens commencent à comprendre et vouloir que les technologies et techniques s’effacent derrière la créativité.

Je pense qu’en ce moment même, nous en sommes à un point où la technologie prime sur la créativité. Et nous avons besoin d’un renversement parce qu’aujourd’hui, tout le monde sait produire une vidéo. Mais tout le monde ne sait pas produire une bonne vidéo, la nuance est importante.

Nous avons du matériel qui nous permet de faire des choses impensables il y a 5 ans. Mais cela ne signifie pas que votre histoire sera bonne, ni que vous saurez bien la raconter. Vous devez penser en terme d’ouvrage. Lorsque vous regardez un Scorcese, un Kubrick ou un Orson Wells, vous comprenez qu’ils sont des réalisateurs hors du commun.

Faites-vous encore de la photo ?

Je fait quelques publicités, deux à trois par an maximum. Mais je suis désormais 100% concentré sur la vidéo.

Cela ne vous manque pas, de parfois juste prendre un appareil et sortir shooter ?

Je le fais ! De manière personnelle. Je prends des photo de la nature… Chose qui m’aurait fait bien rire, si vous me l’aviez dit il y a 5 ans. Je photographie des arbres, des paysages, alors que j’aurais refusé qu’on me paye pour faire cela il y a 5 ans ! (rires)

(ndr : lors de sa conférence, Vincent Laforet a expliqué avoir trois appareils principaux : un 5D Mark II, un Leica M9 et son principal… Un iPhone.)

C’est un peu votre Friday wear à vous…

Et ouais. Je voyageais à travers le monde pour couvrir des évènements sportifs et j’étais du genre à dire « pff, ces gens qui photographient des arbres et des montagnes, autant regarder la peinture sécher !« . Et maintenant, je trouve cela magnifique. C’est juste vous, votre appareil et les criquets autour (rires). Personne pour vous parler d’agenda, d’argent, d’acteur fatigué ou en retard.

C’est juste vous, c’est calme et c’est chouette, en fait.

Non seulement vous êtes passé de la photo à la vidéo, mais vous êtes également passe de photographe établi à mascotte de la révolution HDDSLR. Et vous faîtes preuve de générosité sur votre blog, partageant vos reflexions et conseils, montrant matériel et coulisses. Est-ce naturel pour vous, ou paradoxal à une époque où les créatifs se sentent menacés par la chute des revenus et la culture du « non payé » amenée par Internet ?

C’est un mélange de deux choses :

En tant que photojournaliste, il était très répandu de voir d’autres collègues bien plus expérimentés que moi partager leur savoir, comme un mentorat. C’est ainsi que les photographes s’enrichissent, particulièrement dans la photo de sport où vous avez quelqu’un qui en est à ses 10e Jeux, quand vous attaquez vos premiers. On vous dira quels objectifs utiliser et où se placer pour deux raisons :

  1. Pour vous rendre service
  2. Pour que vous ne soyez pas dans leurs pattes et que vous fassiez honte à tout le monde en vous retrouvant en plein milieu du terrain (rires).

Une forte tradition de Mentors dans le milieu Photo américain d’où je viens. J’ai eu des mentors, je le deviens pour d’autres.

Second point : il y a la nouvelle génération, celle du net, des blogs. Je ne me sens pas menacé par le fait de montrer aux gens comment je fais telles ou telles choses, car je sais bien qu’une personne qui s’amuserait à me copier à l’identique n’obtiendra pas pour autant le respect de ses pairs. Moi, j’espère qu’il s’inspirent de moi et fassent mieux. Tout le monde possède son regard propre. J’ai d’ailleurs parfois montré des choses avant que mon responsable lumière ne vienne me voir et me sorte « hey hey hey, il n’y a pas tellement de mecs qui savent éclairer les choses comme je l’ai fait ! »

Le culte du secret a longtemps été la norme…

Oui. Ce n’est juste pas ma manière de penser.

C’est aussi une manière de vous promouvoir ?

Bien sûr. Avant « Reverie », personne ne me connaissait dans le milieu de la vidéo. Cela a été la meilleure promo de tous les temps qu’il m’ai été donné. J’ai dépensé 5000$ personnels sur « Reverie » – c’était beaucoup à l’époque, très peu aujourd’hui. J’aurais pu dépenser 5000$ à imprimer des photos de démarchage.

Vous poussez donc tout le monde à partager. Mais cela ne fonctionne-t-il pas parce que vous êtes déjà incontournable, comme Radiohead ou Louis C.K dans leurs secteurs respectifs ?

Ce n’est pas si simple. Cela fonctionne si ce que vous partagez est intéressant. J’ai longtemps travaillé au New York Time. C’est loin d’être le quotidien le plus sexy, son surnom étant même « la vieille dame grise », le NYT étant toujours en  noir et blanc. Mais le gens lisent le NYT car le contenu est bon.

Si ce que vous avez à partager est intéressant et original et bien conçu, que vous ayez 5 ans ou 50 ans, les gens vous écouteront. Si ce que vous partagez est bon, mais que vous le faites mal, cela ne fonctionnera pas, dans l’autre sens non plus d’ailleurs.

Nous avons ce proverbe aux Etats-Unis, tiré du film « Fields of Dreams » : « Si tu le construis, ils viendront« . Je crois que si vous produisez du bon contenu, les gens viendront. Si vous postez du contenu parce que vous voulez que les gens viennent, des sponsors, des visiteurs ou du chiffre, cela ne fonctionne pas.

Mais « Vincent Laforet » est désormais une marque, une grosse, pouvez-vous encore tenir votre blog de manière amateur, personnelle ?

Je dirais plus personnel qu’amateur. Il y a bien des choses que je ne peux faire. Comme tester des appareils Nikon (rires), car j’ai un contrat avec Canon.

Mais de manière très simple et honnête, je n’écris pas sur mon blog si cela ne m’intéresse pas. Des sponsors et des compagnies qui me demandent « hey, tu pourrais écrire un truc là-dessus ? » et je leur réponds « Laissez-moi tester d’abord« . et si je n’aime pas, je n’écris pas dessus. Et la plupart du temps, je dis non. Donc, n’écrivez que sur ce qui vous intéresse vraiment. Je n’écris pas sur mon blog comme pour un site, je le fais pour le fun.

Le blog de Laforet : un incontournable du genre.

Pour en revenir à la vidéo, nous vous connaissons comme un progressiste, toujours en train de pousser vers de nouvelles choses. Quelles sont les principales évolutions que la vidéo doit connaître pour toucher encore plus de monde ?

Je ne vais pas tant parler de technologies que de ces deux points :

Un : du meilleur contenu. La plupart du contenu disponible aujourd’hui, qu’il soit d’Hollywood, Vimeo, Youtube ou de la télé, n’est pas bon ou intéressant. Un meilleur contenu ne peut que rendre les choses meilleures. Passons moins de temps à acheter du matériel et plus de temps à bosser nos histoires et scripts.

Comme dirait Pixar : Tout tient à l’histoire.

Complètement vrai. C’est comme les couches d’un gateau. Si la base est mauvaise, il va s’effondrer.

Deux : et je parle du principal problème ici : comment gagnons-nous de l’argent ? Et je ne parle pas d’Hollywood. Comment gagnons-nous de l’argent si mon film, le votre, le sien n’est pas destiné aux grands écrans, mais à Vimeo ou nos blogs ? Et qui nous rapporte genre, un euro ? Comment continuons-nous, payons-nous notre équipe ? Parce qu’on peut toujours compter sur ses amis. Mais pas pour toujours. A un certain moment, il faut les payer avec de l’argent, du vrai. Et ce système économique n’existe pas encore.

Vous avez regardé du côté des solutions de crowfunding, telles que Kickstarter, Ulule, ou Emphas.is ?

Oui, je les ai toutes testées. Le problème, c’est que cela fonctionne une ou deux fois, ce n’est pas durable. Ce qui m’inquiète, spécialement chez les jeunes, c’est que la plupart d’entre eux n’ont pas l’habitude ou la culture de payer pour le contenu. Ils ne veulent pas payer. Ils ont grandi dans le tout gratuit, ils sont du genre à dire « pourquoi je devrais payer maintenant ? »

Et puis, un jour, ils deviennent les créateurs, ils vont voir des clients et leur disent « bon, et bien, je dois être payé« . Et l’organisateur du concert leur répond « eh bien, nous n’avons pas de budget« . Et les voilà qui disent « ok, je vais couvrir ce concert gratuitement pour cette fois ». Et ils piochent dans leurs poches, payent leur billet d’avion, leur nourriture et ils postent leurs photos sur le web. C’est du bon boulot, qui les fait connaître. Les voilà avec un nouveau client et ce dernier leur sort « eh bien, je n’ai pas d’argent pour vous. Pourquoi vous l’avez fait gratuitement pour lui et vous ne le feriez pas gratuitement pour moi ? »

C’est toute une éducation de comprendre les raisons qui font que la création, c’est une profession. C’est une passion bien sûr, mais nous devons trouver un moyen de payer nos factures.

Avez-vous alors un business modèle pertinent et durable en tête ?

Je crois au micro-transactions. iTunes est un bon exemple : 99 cents ? (claquement de doigts) Bien sûr que j’achète. C’est moins cher que de perdre du temps à chercher, trouver, ripper une chanson et se sentir coupable. La même chose pour être appliquée aux vidéo et court métrages. Ce serait bon marché, pas 25 euros qui saigneraient votre porte-monnaie… 1, 2, 3 euros et vous comprenez que vous soutenez l’artiste – et son équipe.

Il n’y a malheureusement pas encore de solution prête pour cela. Les gens doivent comprendre. Parce qu’ils disent « je ne veux pas payer ». Et ensuite, lorsqu’ils voient des pubs, ils disent « je ne veux pas de pubs ». Oui et bien, il faut bien que quelqu’un paye. Parce que nous ne pouvons pas travailler gratuitement.

Le micro paiement pourrait être la solution. Vous travaillez pour un client et à chaque fois que quelqu’un regarde votre travail, vous gagnez 10 cents. Cela pourrait le faire pour les courts, les comédies…

Et vous, que visez-vous désormais : le cinéma, la publicité, les séries télés ?

Clairement le cinéma. La télé, c’est l’enfer.

Nous qui pensions que ces 10 dernières années, qui se sont ouvertes avec les Sopranos, la télé était l’endroit où les meilleures histoires étaient narrées…

Dans l’écriture, tout à fait. La télé américaine vit son âge d’or. En tant que réalisateur télé… Vous savez, il y a les producteurs, le marketing, les auteurs… Et à la fin, le réalisateur. Vous n’avez pas vraiment d’emprise créative. Et puis, il y a le rythme aussi : c’est un tel rush. J’adore les séries télé, mais je suis plus dans le rythme d’un film. On peut passer un an, voire deux à le préparer.

Vous êtes connu pour être à la pointe de la technologie. Votre premier film reflètera-t-il cela ?

Tout à fait.

Parce que les gens semblent obsédés par la 3D, le 4K, les 48fps et autres autres… Est-ce vraiment important ?

Nooooon. Je donne des conférences sur la technologie. Mais ce n’est pas ce qui fait de bons films. Débattre de ces choses là, c’est une perte de temps ! Que ce soit en 2K, 4K? 5K, 200K, ce n’est qu’une excuse. Et les gens sont obsédés par ça, car c’est tellement plus facile de parler de pixels que de la qualité de votre scénario, ou de comment vous allez le traiter. Ce n’est pas empirique, c’est technique.

Le 2K ne propose pas une résolution aussi haute que le 4K. Il n’y a pas matière à débat; ce sont des chiffres. Vous pouvez toujours shooter et vous réfugier derrière vos chiffres. Mais votre film en 20K ne sera toujours pas regardable s’il n’y a pas d’histoire.

Si vous shootez avec un Bloex ou un Holga, mais que c’est du bon, les gens regarderont ! La 3D est un excellent exemple de technologie motivée par les industriels. Il veulent vendre plus de télé, augmenter le prix des tickets… Et c’est un peu un flop.

Eh bien, nous espérons que vous avez un bon scénario 🙂

Yep. C’est un thriller hi-tech, mais je ne peux pas trop en parler…

Nous nous rappelons d’un post où vous appeliez les scénaristes à vous proposer des choses, il y a environ 6 mois…

Et ça n’a pas marché. La qualité des soumissions n’était pas assez bonne. J’ai aussi compris que même si la plupart des histoires étaient correcte, ce n’étaient pas des choses que je voulais raconter. j’ai finalement eu quelques idées et nous en creusons une en particulier.

Nous avons obtenu le feu vert d’un studio, mais la personne qui nous l’a donné a aussi dit « essayez de le financer vous-même, vous obtiendrez bien plus de contrôle. Car si vous travaillez pour un grand studio en tant que tout jeune réalisateur… »

Comment allez-vous financer votre film ? On parle sûrement de 6 zéros, là…

Entre 7 et 10 millions de dollars. J’aimerai le faire l’année prochaine, mais il n’y a pas d’urgence. Une autre grande leçon de la réalisation : ne jamais rusher.

Vous n’obtiendrez en tout cas pas une telle somme de Kickstarter…

Non ! Mais de compagnies et d’investisseurs privés. Ce n’est pas facile, mais pas impossible non plus. Et pour le niveau de contrôle que l’on en tire, c’est bien mieux que de travailler pour un studio, où vous n’avez AUCUN contrôle. Ce n’est plus votre film.

Terminons avec quelques conseils : quels conseils donneriez-vous aux photographes et vidéastes qui veulent s’améliorer et s’investir à fond ?

  1. Prenez les opportunités. Si vous photographiez ou filmez quelque chose que vous avez déjà vu, ou que vous ne trouvez pas si intéressant, ne le faîtes pas. Continuez de chercher mieux. Ne vous contentez jamais de la médiocrité, ou même du bon. Cherchez l’incroyable. Refusez d’être juste bon, ce n’est pas assez.
  2. Vous devez maîtriser toutes les règles. Pour ensuite les briser toutes les unes après les autres. C’est là, que vous découvrirez des choses.
  3. Concentrez-vous sur l’histoire, les émotions, l’intellect, votre coeur. Pas juste la technique.
  4. Racontez les histoires auxquelles vous tenez, pas celle que vous pensez que les gens veulent voir. Si elles ne vous touche pas, vous ne vous battrez pas pour elles. Si vous êtes passionnés, les gens le verront.
  5. Appréciez le processus. Tout ma carrière, j’ai tellement été obsédé par le résultat avant le process : rencontrer l’acteur le D.A, y passez du temps, au lieu de foncer vers le résultat. La plupart d’entre nous passent leur temps à rusher. « Je dois en être là dans 5 ans »… Pffffff. J’ai rushé durant toute ma carrière et je le regrette.

Intéressant !

Oh, et une dernière chose : essayez vraiment de comprendre ce qui vous vous ou votre histoire, uniques. Les gens doivent apprendre à se connaître. Parfois, je lis des scripts et je dis « ah, j’ai vu ceci là et là. » Et la personne se montre battue. Elle ne devrait pas. Toutes les histoires du monde ont été contées un millier de fois. C’est votre manière de les raconter qui compte. Battez-vous pour cela et vous gagnerez.

Thank you, Monsieur Laforet.

Mais, de rien !

…………………………

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Il y a 12 ans et 6 mois

[…] Interview de Vincent Laforet sur Lense – Lense […]

Il y a 12 ans et 6 mois

C’est vraiment très intéressant parcequ’il met le doigt sur des choses vraies pour une majorité de personne.
C’est vai qu’on a envie de voir son travail apprécié et reconnu. Qu’on est tellement pressé d’arriver au résultat qu’on en oublie le chemin qu’on a parcouru pour y arriver.
J’avoue que j’ai souvent rêvé d’avoir droit à ma petite interview, de pouvoir enfin exposer mon travail et que j’étais jaloux du potentiel créatif des autres.
Puis avec le temps j’ai compris ce qu’il a ennoncé : penser à SON ENVIE, ne pas penser à ce qui plairait aux autres mais à ce qui nous plait à nous.
Puis j’ai pensé à ceux qui apprécient mon travail, qui le suivent et je me suis dit que le mieux sera de progresser pour continuer de m’accomplir et par voix de conséquences de les satisfaire.

Il y a 12 ans et 6 mois

Belle interview, intéressante et très enrichissante. Merci à vous 🙂

Il y a 12 ans et 6 mois

Vraiment très sympa comme interview.
Ce sera qui le prochain au tableau de chasse? Je lance les paris. ^^

Il y a 12 ans et 6 mois

Très chouette interview, merci !

Il y a 12 ans et 6 mois

Fun l’interview!

Il y a 12 ans et 6 mois

Hyper intéressant et vraiment inspirant comme entretien 🙂
Ça me donne envie de shooter tout ça!

Il y a 12 ans et 6 mois

Vraiment bien menée cette interview ! J’apprécie beaucoup le photographe. Sa série sur Katrina, miam…

Il y a 12 ans et 6 mois

Juste énorme ! Merci Lense 🙂

Il y a 12 ans et 6 mois

Bizarre qu’il parle autant de RED, alors qu’il a un contrat avec Canon. J’avais vu la conférence qu’il avait donné il y a quelques mois à Montréal pour montrer la C300.

Concernant ses films, la technique et l’image sont certainement au top, mais les histoires ne sont pas des plus intéressantes. Ca sent bon, à chaque fois, la démo technique… J’espère que son film sera d’un autre niveau !

Par contre, certaines de ses photos sont magnifiques !

Il y a 12 ans et 6 mois

J’ai toujours trouvé que les propos de ce type sont bien plus intéressants que ses productions, qu’elles soient photo ou vidéo…

Il y a 12 ans et 6 mois

[…] Vincent Laforet :… […]

Il y a 12 ans et 6 mois

Merci beaucoup, pour l’interview d’un super mec

[…] Nous vous conseillons évidemment de lire l’intégralité de l’interview, disponible en français et en anglais, sur le site de lense.fr à cette adresse : « Vincent Laforet : l’interview » […]

Il y a 12 ans et 6 mois

Je confirme, l’homme est très cool, mais a un regard toujours très concentré. La marque des passionnés.

Il y a 12 ans et 6 mois

Je retire ce que je viens de dire concernant les photos, je viens de retourner sur son site, et c’est pas ce dont je me souvenais.

(tiens sinon, son court Möebius, l’histoire ressemble fortement à un plagiat du film Triangle, quand même…)

Il y a 12 ans et 6 mois

Je ne connais pas triangle, tu as un lien ?

Perso, je suis fan de ses photos depuis des années. C’est ultra clean, tout en étant sensible.

Il y a 12 ans et 6 mois

Tien Lâm : http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=128598.html

La boucle temporelle qui aboutit sur une mort, c’est dedans.
C’est un direct-to-dvd mais qui aurait mérité une sortie en salle, il a eu son petit effet dans le monde du cinéma de genre. Avec une récompense à Gerardmer à la clé !

Sinon ses photos sont effectivement très chouettes, comme dit j’avais autre chose en tête, ça ne devait pas être lui.

Il y a 12 ans et 6 mois

Son contrat n’est sûrement pas 100% exclusif. Je pense qu’il ne couvre que des concurrents dans le domaine du grand public, comme Nikon, Sony ou Pana/Oly.

Pour ses films, il est vrai que nous n’avons pour le moment vu que des travaux de commande. Hâte aussi de voir sa première « grande » création à lui.

Il y a 12 ans et 6 mois

Le plaisir est pour nous !

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