La photographe Alexandra Sophie, connue pour ses séries de mode, dévoile son livre Flower Shower, un hommage aux corps féminins, à leurs différentes beautés, mais aussi à la nature. Dans un monde qui ressemble de plus en plus aux films dystopiques, elle consigne un témoignage de ce qu’est un monde fleuri. Retrouvez le livre par ici. (Photo d’ouverture : © Alexandra Sophie)
Peux-tu nous raconter ton rapport à la photographie ? Comment as-tu commencé à en faire ?
Bien que j’ai l’impression d’avoir toujours eu un appareil à la main, ce n’est vraiment qu’au début de l’adolescence, lorsque j’étais dans l’impossibilité de me rendre au collège et de poursuivre une scolarité normale, que j’ai pu m’y consacrer pleinement. Je photographiais les fleurs de mon jardin, une coccinelle qui passait par là, mes deux sœurs cadettes pour seul modèle humain…Je n’avais pas d’autres ambitions que de faire de belles images, mais il est évident que c’est ce qui m’a rapidement permis de sortir, de rencontrer des personnes qui n’étaient ni mes parents, ni mes sœurs, tout ça alors que j’étais bien partie pour ne jamais aller au delà du grillage du jardin !
Tu travailles beaucoup pour la mode, un monde que l’on sait assez hostile aux différentes beautés du corps féminin. Comment arrives-tu à faire passer tes messages tout en évoluant dans ce milieu ?
Lorsque je prends mon vélo pour aller d’un point A à un point B, je suis persuadée que même si les automobilistes ne me regardent pas, ils me voient – peut-être sans s’en rendre compte d’ailleurs – et ma simple présence contribue ainsi activement à normaliser (ce mot, encore !) la pratique du vélo. Je précise que je vis dans une petite ville de province où le tout voiture est de mise. À Paris, où c’est déjà plus avancé, on peut, je pense, noter que la présence de cyclistes (et tous les avantages que cette présence apporte) suffit à inciter à d’autres personnes de se lancer.
De la même manière, j’espère et crois sincèrement que la représentation d’autres personnes hors du « mannequin type » ainsi que des « défauts » dans les médias suffit à nous habituer, à normaliser le simple fait de leur existence. Je ne retouche que très rarement les peaux, les vergetures, les poils etc… C’est parfois subtil et même si l’œil ne s’arrêtera pas forcément sur ces détails, je sais que le cerveau les a quand même vus et s’y sera habitué. Je pense que c’est aussi là que réside l’intérêt de ces « détails non sollicités », bien que subtils, dans des photos à priori lambdas.
Dans tous les cas, bien sûr, quand on prend des photos et encore plus quand il s’agit de mode : la lumière est particulière, les modèles restent choisies sur catalogue puis maquillées et coiffées, mais ça évolue dans tous les domaines. La sélection des modèles est bien plus variée, le maquillage/coiffure disparaît parfois, ce qui était inimaginable il y a quelques temps…Et je suis persuadée que ces petites actions de la part des artistes contribuent à cette évolution, qui n’est bien sûr pas terminée.
De la grossesse à la grossophobie, en passant par les corps non blancs, racisés, tu rends hommage à toutes ces formes de beauté que notre société peine à reconnaître. Pourquoi selon toi on a encore des tabous ? Comment l’image peut-elle contribuer à changer les consciences et les regards ?
Même si mes différences ne sont pas visibles à l’extérieur – ou en tout cas pas sur mon physique, cette question de « normalité » est omniprésente dans ma vie depuis toujours. Je suis « pas normale » ; selon à peu près tous les neurotypiques qui me rencontrent depuis que je suis petite. Et j’ai moi-même toujours senti cet important décalage : alors difficile d’en vouloir à qui que ce soit !
Ce mot « normal » a donc un sens bien particulier pour moi, et bien que je ne puisse malheureusement pas encore prétendre avoir rendu hommage à « toutes les formes de beauté », je continue avec joie et excitation à mener mes projets personnels qui me laissent la liberté nécessaire pour explorer les frontières du normal, de l’anormal et du paranormal.
Peux-tu nous parler de la genèse de ton livre Flower Shower ?
L’éditeur (Images Publishing) m’a fait confiance pour composer les pages de Flower Shower, et m’a laissé cet espace de création ultime où j’ai pu placer mes séries artistiques en plus de quelques images tirées de mes séries mode et qui s’entremêlent sous le soleil, la légèreté, la douceur…Je l’ai rêvé être un portail magique qu’on peut consulter même alité, et qui permette de se dire « je suis sortie aujourd’hui ». Et puis, si un jour le monde ressemble à ceux des films d’anticipations, Flower Shower sera mon humble petit témoignage d’une vie fleurie.
Tu privilégies des environnements naturels et éthérés, où la nudité rencontre la nature. Est-ce que l’éco-féminisme te guide dans ta démarche ? Pourquoi choisir de tisser ce lien entre nature et corps féminin ?
Pour moi, c’est indissociable pour tous : c’est notre identité dépouillée de tous artifices. Sur les corps, j’aime particulièrement y reconnaître les formes des plantes, des cycles, des paysages et inversement, la ressemblance est fascinante et me pousse à me questionner sur notre identité, notre place et nos droits en relation avec notre environnement.
Quels sont tes futurs projets et souhaits ?
Traverser les frontières, encore. Exposer Flower Shower, et continuer à ajouter des éléments quotidiens à la magie, ou magiques au quotidien.
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Plus d’informations sur le livre :
Flower Shower
The Images Publishing Group
216 pages
Size 25 x 30 cm
49,95 euros
Source : Instagram
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