Voici un projet technologique qui risque de faire débat déontologique :
Le photographe/réalisateur de guerre Danfung Dennis, dont on vous a déjà parlé pour son documentaire Hell and Back Again primé au festival de Sundance, a mis au point un système révolutionnaire de prise de vue destiné à couvrir des conflits militaires de la façon la plus immersive possible: Condition One.
Reposant sur un système proche des panoramas 360° en vidéo, Condition ONE utilise un reflex Canon pour capturer un champ de vision proche de 180°, dans lequel on peut naviguer. En effet, si « C1 » est conçu pour retransmettre ses images à l’intérieur d’un dôme pour immerger le spectateur, il est également prévu pour les tablettes tactiles de type iPad: Vous pourrez ainsi naviguer dans la scène avec le doigt ou même, en utilisant le capteur gyroscopique pour orienter la tablette dans différentes directions et ainsi être véritablement immergé dans l’action.
L’imagerie visuelle peut être un média puissant pour la vérité. Les images de jeunes filles brûlées au Napalm par Nick Ut, l’exécution d’un prisonnier vietcong par Eddie Adams (…) – ces images iconiques sont gravées dans notre conscience collective comme des rappels des conséquences de la guerre.
Mais le langage visuel se meurt. Les débouchés traditionnels. Au pied du mur, nous devons inventer un nouveau langage. Condition ONE combine la puissance de l’image fixe et de la narration (…) Au lieu d’ouvrir une fenêtre pour jeter un oeil à un autre monde, nous essayons d’amener le spectateur au coeur de ce monde.
Pour l’instant, seul le photographe français Patrick Chauvel a utilisé une version beta de Condition ONE, en tournant en Mars dernier des images du soulèvement Libyen, devenues le « teaser » du projet:
…………………………
Condition ONE trouve ces derniers jours un écho spectaculaire avec la récente Opération Geronimo, qui a conduit à la mort du terroriste Oussama Ben Laden: Lors du raid mené par les forces spéciales américaines, des caméras attachées aux casques de certains SEALS ont retransmit l’assaut en direct au Président des États-Unis et son staff (une vidéo qui ne risque pas d’être diffusée de si tôt, si ce n’est pas jamais).
On peut facilement imaginer que plus d’une personne devant Condition ONE aura la même réaction qu’Hilary Clinton dans la « Situation Room ». Se retrouver projeter au milieu d’un champ de bataille n’est pas forcément l’expérience la plus facile à vivre. Dennis assume, c’est son but :
« A travers notre travail, nous espérons secouer le monde dans son indifférence face à la guerre, et de relier la déconnection actuelle entre les réalités du terrain et ce que voit le public chez lui. »
Alors, Condition ONE, inflation de la guerre spectacle ou nouvelle arme du réalisme ? A vous de voir.
…………………………
11 commentaires
Ajouter le vôtre» A round chambered, full magazine in place, hammer cocked, safety on. »
j’ai du mal à trouver , l’intérêt réel de cette technique. Peut être parce que je n’ai pas un regard professionnel sur cela et que je commence à saturer de cette immersion à outrance.
Imho, ils ne devraient pas mettre de musique sur ce genre de vidéo, jamais, même pour mettre en avant le concept. Pendant une seconde j’ai eu l’impression de voir un trailer de film :/
Ca, ça déchire, et si ça tient, que c’est stable et pas encombrant, ça va changer le métier et le rapport que les gens vont avoir avec les images.
Techniquement, je suis pour (même si ça ne me paraît pas si innovant que ça).
D’un point de vue éthique, j’ai un peu plus de mal, même si je comprends la démarche.
Je comprends le point de vue sur l’éthique. Seulement, par rapport au travail qu’on demande aux photoreporters de guerre, ça va un peu changer la donne pour eux… Pour l’instant j’ai encore du mal à évaluer si ça sera en bien ou en mal. (J’entends par là que le magazine pourrait leur demander de prendre plus de risque qu’ils n’en prennent pour avoir la meilleure « vidéo » de guerre)
Oui, la musique est clairement en trop. Ca n’ajoute strictement rien, et ça enlève au contraire pas mal de choses.
De même, cette musique à la CoD m’a saoûlé, c’est là que j’ai peur du côté spectaculaire sous couvert de ré-intéresser le public à la réalité de la guerre…
faut pas oublier que c’est un trailer, j’imagine que la version finale sera vierge de ce genre d’habillage audio inutile, j’espère…
Je pense que ça peut surtout avoir des fins documentaires, et militaires.
Rapprocher un maximum les personnes de l’action, plus qu’avec une simple photo ou un film classique après comme le dit Maxime la même technologie sera probablement portée à d’autres fins (docu, éducation etc…)