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Lense

Gregory Crewdson et l’errance du regard

Me baladant au fil du web, je suis tombé sur une analyse très intéressante des photos de Gregory Crewdson. Je vous propose de la retranscrire directement sur Lense pour vous en faire profiter.

Article original : http://www.galerie-photo.com/gregory-crewdson.html

Comment fonctionnent les images de Gregory Crewdson ?

Au départ, le parti est le même que celui de Jeff Wall : on est dans une scène de film. Il y a une histoire en cours à laquelle on ne comprend rien parce qu’on a raté le début. L’image qui est présentée est celle d’une solitude captée au moment de sa plus grande intensité. Le personnage est à la croisée des chemins.

Le fait que l’interprétation soit obscure (risquons ce jeu de mot) incite

  • d’une part à examiner avec attention le sujet central de l’image pour mesurer l’angoisse et donc évaluer le danger
  • d’autre part à promener le regard de partout sur l’image aux fins d’éclaircir la situation : les détails peuvent faire preuve et notre regard va courir d’une zone éclairée à l’autre, pour tenter de mettre en place les éléments du puzzle et lui donner sens.

Disons-le tout de suite, il n’y a rien à comprendre et autant la qualité des éclairages à la Hopper que la multiplication des éléments narratifs dans des mises en scènes partout archi-nettes et photographiées avec un luxe de détail inouï  maintiennent élevés et continus la recherche et l’errance du regard.

Cette longue circulation du regard tentant l’éclaircissement du mystère est ce qui œuvre dans le travail de Crewdson. Dans les meilleures images, il y a une sorte d’équilibre entre la puissance du mystère et la quantité de détails donnés à l’analyse.

Dans d’autres, moins heureuses, il y a un excès narratif : la très grande quantité de détail ne concourt plus à participer à la résolution d’un mystère. Beaucoup trop est donné à voir et le spectateur peut ressentir comme une sorte de haut le cœur face à une narration trop abondante. Alors un autre sentiment surgit : on est en face de tableaux sans nécessité où le réel prend une présence envahissante.

L’écœurement du réel

Si ces tableaux photographiques sont moins à notre goût ils sont néanmoins nettement majoritaires chez Crewdson.

Le haut-le cœur qui nous saisit devant l’accumulation des détails qui ne servent à rien nous semble pourtant alors encore fonctionnel, mais d’une toute autre manière : il rappelle exactement le haut-le-cœur que semblent concevoir ces personnages malades d’un réel auquel ils n’arrivent plus à échapper, le réel des petites villes rurales américaines dont le sens méticuleux leur échappe. Il semblerait alors que l’étrangeté de la nuit bleue, jamais très loin, puisse constituer pour l’auteur une solution possible, un remède violent, sexuel et inquiétant, que ses personnages, toutefois, ne se sont pas résolus encore à utiliser.

Le père de Crewdson était psychanalyste et le photographe raconte volontiers comment, enfant, il écoutait, l’oreille au plancher, les confessions des patients et la fascination qu’il en concevait. Ce fait ne semble pas anodin et l’écœurement qui peut nous gagner devant la narration obstinée et pointilleuse du réel présenté dans sa photographie pourrait tout aussi bien être celle du père de Crewdson, traquant sous l’apparence insignifiante de mille et un mots sans intérêt la violence des passions humaines.

Des méthodes inspirées du cinéma

Gregory Crewdson fait de la photographie avec les moyens du cinéma : les budgets sont énormes, les mises en scènes sont faites en studio : rues, bois, intérieurs sont entièrement reconstitués ; on utilise les effets spéciaux. La réalisation de l’ensemble est confiée à une armée de décorateurs, d’éclairagistes et de stylistes. Des acteurs jouent dans les scènes, certains sont connus. Au total Crewdson ne ménage ni sa peine ni les effets : « La collusion entre mes échecs et la compulsion de faire quelque chose de parfait crée une anxiété qui m’intéresse ».

Le « tournage » met en général en scène, dans une atmosphère nocturne, des personnages fantomatiques au teint diaphane et au regard absent.

Les maîtres de Crewdson sont Edward Hopper pour la peinture, Jeff Wall pour la photographie ainsi que toute la tradition documentaire américaine ; pour le cinéma, Spielberg, Lynch, Wes Anderson et le terreau des films d’épouvante et de science-fiction. En littérature Crewdson se réclame de Stephen King.

L’image est finalement prise à la chambre 20×25.

Cinéma, photo ou peinture… tout le monde n’est pas du même avis, mais les images de Gregory Crewdson laissent rarement indifférentes.

commentaires

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ArnaudC
Il y a 16 ans et 4 mois

C’est beau et ça met mal à l’aise…dualité du concept et rendu très intéressant.

Il y a 16 ans et 4 mois

merci pour cet instant backstage. à chaque fois que je vois une de ses impressionnantes photos, j’imagine toute la mise en place et la préparation de la scène en vitesse rapide jusqu’au *clic* final …

Il y a 16 ans et 4 mois

rendus vraiment impressionnants, c’est vrai que les images font très screenshot/ prises d’images pour critique/ journalisme de cinéma.
C’est la permière chose qui m’a marqué.

Ensuite les scènes sont assez étranges et comme dit en début d’artcle, on s’y attarde puisqu’on ne connait as le contexte.

J’adore!

Il y a 16 ans et 4 mois

ralalala c’est mon photographe favori !!
Un des rares billets de mon blog est sur lui d’ailleurs avec les comparatifs Crewdson Hopper.

Sinon, en general, ses images sont tirées a 10 exemplaires vendus chacune 100 000$ 🙂 ca fait cher le poster !!

Il y a 16 ans et 4 mois

très interressant cette analyse, on comprend la qualité de l’ensemble de l’image, elles ont toutes un profondeur magnifique que ce soit au niveau du sens ou au niveau de l’espace.

Ce genre de mise en scène, de style cinématographique me bluffe toujours, ici a la différence avec le cinéma on va pouvoir s’imaginer l’avant et l’après image, la est la vrai force de Gregory Crewdson, quand aux lumières elles sont sublimes.

Il y a 16 ans et 4 mois

Pfouuh, bluffant…
Certain(e)s images/ambiances/personnages/situations sont complétement lynchéen(ne)s, on s’attend à voir bouger les gens, on s’imagine des flashbacks, des schizophrènes, des visions… C’est le genre d’image que j’aime : ça raconte une histoire sans bouger.

Il y a 16 ans et 4 mois

Whoahoo! Excellent ! Merci !
Tout ça vient confirmer, qu’en fait, je suis un fan de ce style d’éclairage que d’ailleurs je n’arrive pas a reproduire ^^

Il y a 16 ans et 4 mois

La vache, un prix pareil…
Vu les moyens mis c’est pas étonnant… Sinon ouais c’est sur c’est méga propre. Mais c’est une autre dimension que la photographie traditionnelle.

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