Indigne toit d’Anthony Micallef : enquête sur les délogés de Marseille

Anthony Micallef publie le livre Indigne toit, une enquête photographique qui met l’exergue sur la crise des délogés de Marseille et le drame de la rue d’Aubagne. (Photo d’ouverture : © Anthony Micallef)

Anthony Micallef venait de s’installer à Marseille. Deux mois à peine avant les effondrements mortels de la rue d’Aubagne. Photographe indépendant, il a ainsi décidé de documenter la crise des délogés dans cette ville, donner un visage et une voix à ceux qui sont devenus invisibles. Le drame de la rue d’Aubagne est plus actuel que jamais, alors que le procès continue et que début janvier, les familles des victimes ont rencontré le juge d’instruction en charge de l’enquête. Le 5 novembre 2018, en effet, deux immeubles de la rue marseillaise se sont effondrés en moins de 15 minutes en faisant huit morts : Fabien, Simona, Marie-Emmanuelle, Chérif, Niasse, Ouloume, Taher et Julien.

Le livre est une enquête/témoignage poignant qui revient sur cet événement tragique et aborde sans fard le problème majeur du mal logement en France. Très médiatisé sur l’instant, ce drame a été en réalité le déclencheur d’une crise humanitaire qui va secouer la deuxième ville de France pendant encore plusieurs années et la transformer durablement.
Après l’effondrement, la mairie a dû faire évacuer de nombreux immeubles considérés comme dangereux. Mais cette vague de “périls imminents” ne s’est plus arrêtée depuis : près de 5000 personnes ont été sorties de leurs foyers et envoyées dans des hôtels, où trois ans plus tard près de 500 y vivent encore. Chaque mois, les évacuations continuent.

Dans Indigne toit, le photographe suit le long et douloureux parcours de ces locataires et propriétaires contraints de rassembler tous leurs avoir en moins de 30 minutes avant d’être envoyés dans des chambres d’hôtel minuscules sans pouvoir retrouver leur habitation. On retrouve alors Samih, Chaima et ses enfants, Fatima et Aberrazak, ou encore Fabien, qui tous partagent leur crainte de l’avenir, la peur de finir à la rue, la rage de l’invisibilisation institutionnelle.

Dans un extrait, Leïla, une délogée, raconte : « Quand je fais le tour de Marseille, c’est pour éviter la rue d’Aubagne. Parce que la rue d’Aubagne, elle me rend folle. Je me bourre de cachets pour essayer de me calmer, mais je suis debout depuis deux heures du matin. Le ravalement des façades, c’est quoi ? C’est pour cacher la misère qu’il y a à l’intérieur. Gaudin sur France Bleu il a dit “Maintenant il serait temps que les gens sortent des hôtels parce que les touristes vont venir”. C’est quoi les gens, qu’est-ce qu’il appelle les gens ? C’est moi, c’est vous, c’est quoi ? »

Marseille est aujourd’hui l’une des dernières grandes villes occidentales à abriter un centre-ville populaire, avec des quartiers pauvres à seulement quelques stations de métro du Vieux-Port, le port historique. Les intérêts immobiliers immenses s’immiscent à une réelle et urgente nécessité de rénover. Au sein d’une ville qui sort d’une gestion décennale clientéliste, l’indignation suscitée par la crise du logement mérite d’être abordée avec franchise, exigence, urgence, comme Anthony Micallef parvient à le faire dans cet ouvrage.

« Bonne mère, semant des miettes pour perdre tes enfants dans des ruelles infanticides, ville aussi dure que la lumière qui l’inonde, terminus d’un voyage qu’on raconte ici, empli de dépit, fatigué et écumant comme une vague qui a traversé le monde pour venir lécher le sable d’un marchand de sommeil. Tous le savaient : chaque cité méditerranéenne est constituée d’une école sans maître et d’un cimetière qui attend » écrit Anthony Micallef dans l’introduction de son livre.

Plus d’informations sur le livre :
Photographies : Anthony Micallef
Textes : Anthony Micallef
160 pages, format 16,5 x 22 cm, broché
78 photographies en quadri
Langues : français – ISBN : 979-10-92265-96-5
Sortie : 23/09/2021 – prix 27 €
Ce livre bénéficie du soutien de la Fondation Abbé-Pierre

Source : André Frère Editions