Kourtney Roy publie The Other End of the Rainbow, le livre consacré à sa série sur les disparues de la « route des larmes », la Highway 16 au nord de la Colombie Britannique. Pendant plus de deux ans, la photographe s’est penchée sur le mystère qui enveloppe ces meurtres et disparitions inquiétantes de femmes indigènes. Un travail de grand reporter, actuellement exposé au festival Portrait(s) de Vichy. (Photo d’ouverture : Doug. Série The end of the rainbow, 2018 © Kourtney Roy)
Le dernier travail de la photographe pluri-primée Kourtney Roy est un coup de poing : à travers des portraits saisissants, elle raconte les vies brisées des familles des victimes de la Highway 16, au nord de la Colombie Britannique, au Canada. Depuis près de 50 ans, des femmes et des jeunes filles indigènes sont enlevées le long de cette autoroute dénommé « la route des larmes ». Parfois, leurs corps sont retrouvés, parfois, ils disparaissent à jamais. Cette série de crimes misogynes non élucidés a de quoi donner la chair de poule. La photographe est actuellement à l’affiche du festival Portrait(s) à Vichy et est aussi l’invitée d’honneur de la galerie Esther Woerdehoff avec sa série tapageuse Queen of Nowhere jusqu’à la rentrée.
Elle présente en France le livre The Other End of the Rainbow, publié chez André Frère, qui rassemble son travail sur la Highway 16.
Dans cette série, la photographe dévoile un langage nouveau, bien lointain de son écriture colorée et foisonnante habituelle. Et pourtant, l’histoire de la route des larmes demeure assez peu connue du grand public et nécessitait un travail de grand reporter pour être enfin racontée. Durant plus de deux ans, Kourtney est partie à la rencontre des familles des victimes et s’est imprégnée de la douleur qui sillonne la route, en immortalisant non seulement les proches, mais aussi les paysages environnants. Un tas de broussailles, une station-service ou une maison isolée : elle rentre à la fois dans le paysage et dans les mémoires.
Sa série poignante permet de mettre en lumière le problème non résolu du racisme mortifère envers les indigènes au Canada. Alors que le Pape François vient de reconnaître le génocide des enfants des premières nations dans les pensionnats catholiques perpétré jusqu’au années 1990, la photographe canadienne Amber Bracken a remporté le World Press Photo en s’emparant, elle aussi, de ce thème brûlant.
En substituant l’absence à la preuve directe, Kourtney Roy souligne les impossibilités d’un discours d’évidence sur ces vies qui n’attirent jamais l’attention. En reparcourant les tragiques histoires de ces femmes qui, depuis 50 ans sont retrouvées (ou perdues à jamais) le long de cette autoroute, la photographe nous plonge dans une série de disparitions et crimes en majeure partie non élucidés. Le livre n’est en rien la description pittoresque du Grand Nord. Roy nous met à l’épreuve de percevoir, depuis des lieux vides en eux-mêmes et sans vie apparente, une humanité sacrifiée et reléguée. Face au déni d’une société, le rôle que Kourtney Roy accorde à la photographie est de s’attacher, malgré tout, à partager une douleur et à faire ressentir une tension qui ne peut trouver d’exutoire que dans le drame.
The Other End of the Rainbow (432 pages, 22,5 x 29,5cm, 265 photographies) est disponible au prix de 65 euros. Vous pouvez vous le procurer sur le site des éditions André Frère.
Source : André Frère Editions
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