Du 25 mai au 28 août 2021, La Filature accueille suan tián ku là, exposition photographique consacrée aux photographes chinois Ren Hang, Sun Yanchu, Lu Yanpeng et Zhang Xiao. Une vision de la Chine de l’intérieur, à mi-chemin entre récit et documentaire. (Photo d’ouverture : © Zhang Xiao)
En 2011, Léo de Boisgisson et Marie Terrieux, commissaires indépendantes alors basées à Pékin, réunissent à Angers quatre photographes chinois – Ren Hang, Zhang Xiao, Sun Yanchu et Lu Yanpeng – dans une exposition intitulée suan tián ku là. Le nom tire son inspiration d’une expression chinoise qui désigne les quatre saveurs : acide, sucrée, amère et épicée. Elle intervient également comme une métaphore des aléas de la vie humaine.
En 2021, La Filature de Mulhouse repropose les œuvres des quatre photographes chinois pour, à distance de 10 ans, mener une réflexion sur l’état de la Chine et de son peuple. Une décennie ce n’est pas rien dans un pays qui marche inexorablement vers le progrès depuis 40 ans. Depuis 2011, la vie a suivi son cours. En effet, la Chine a continué son irrésistible ascension de grande puissance et l’urbanisme intensif a migré du littoral vers l’intérieur du pays en transformant les campagnes en succursales des villes.
L’agriculture intensive a pris le pas sur la traditionnelle, les engrais chimiques ont fleuri partout dans les terres, la technologie avance inarrêtable et hommes, objets, paysages se transforment. L’exposition donne à voir autant qu’à goûter et éprouver différentes textures de la Chine et différentes personnalités de la création photographique contemporaine, encore actives (exception faite pour Ren Hang, disparu prématurément).
suan tián ku là nous plonge dans la province natale de Zhang Xiao, bouleversée par l’agriculture intensive, où le photographe mène le projet Apple, alliant photographie, vidéo et sculpture pour évoquer la pomme, pilier de l’économie locale et métaphore actuelle des dérives productivistes. Elle nous embarque au cœur de la province du Henan, où Sun Yanchu poursuit une pratique hybride de la photographie dans les murs de son studio. Le photographe manipule les clichés argentiques, les siens et d’autres, chinés au gré des marchés aux puces en y appliquant encre, peinture, colle ou sang.
Lu Yanpeng quant à lui, continue à nourrir Open Air et, inspiré par une cérémonie bouddhiste à laquelle il a assisté dans le Yunnan, a entamé Blossom with Buddha, une série où se superposent les explosions lumineuses de feux d’artifices sur les figures impassibles du Bouddha dans des paysages vaporeux du Sud. C’est enfin Ren Hang qui mieux que n’importe quel artiste chinois contemporain a cristallisé par son œuvre et par sa vie la tension existante entre liberté et claustration, entre censure et explosion créatrice. Censuré dans son pays natal, Hang a eu un succès fou en Occident où ses nus intimistes, crus, libérateurs, ont changé à jamais le visage de la photographie et notre regard sur la Chine.
Avec suan tián ku là les quatre artistes nous font voyager dans l’immensité de leur pays ou entre les quatre murs de leur studio avec un pouvoir narratif dont seulement la complexité de ce gigantesque pays peut être la source. Dix ans après leur première exposition à Angers, ces images, loin d’avoir vieilli, résonnent encore plus fort avec l’actualité, enrichies du pouvoir de la distance historique.
Source : La Filature
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