Des photographies de soirées dans les clubs de Paris aux recherches généalogiques et photographiques autour de ses origines arméniennes, Rebecca Topakian est une artiste éclectique dont le travail nous saisit par sa force narrative et son incroyable puissance émotive, transformant des histoires personnelles en récits presque universels. (Photo d’ouverture : © Rebecca Topakian)
Des images de clubbing…
Rebecca Topakian a commencé la photographie comme une sorte de thérapie. Agoraphobe, elle décide de quitter sa zone de confort quand elle commence en 2014 à sortir de chez elle pour aller photographier des foules dansantes lors de soirées en club. Armée d’un objectif grand-angle et d’un flash assez puissant, elle immortalise des silhouettes fantomatiques de danseurs déchaînés. Elle se focalise sur « des gens qui n’avaient pas l’air d’être en interaction avec quiconque, dans des moments de flottements. » Entre mélancolie et contemplation, ses clichés nous transportent au cœur de mystérieuses histoires nocturnes. Pour éviter d’attirer l’attention de ses modèles, elle quitte le flash et transforme son appareil photo afin qu’il ne soit sensible qu’aux longueurs d’onde de l’infrarouge. « Ça fonctionne comme les appareils de chasseur, ou de l’armée : j’étais invisible, et je pouvais dès lors saisir les moments d’abandon, de communion et de transe dans la danse – la perte de l’individu dans le groupe », explique-t-elle.
… aux voyages en Arménie
Friande d’esthétiques nouvelles, la photographe refuse de s’enfermer dans un univers précis et met de côté la photographie de club pour un projet beaucoup plus personnel qui la mène, depuis 2017, sur les traces de sa famille arménienne. Les recherches autour des Topakian commencent sur internet, mais elle s’approfondissent avec le projet Dame Gulizar and other love stories. « Ces recherches généalogiques sont devenues une obsession, et j’ai eu la chance d’aller une première fois en Arménie avec ma tante. J’ai fait quelques photos et j’ai compris qu’il y avait une pelote à démêler et qu’il fallait que je continue à travailler là-dessus. J’y suis retournée plusieurs fois, notamment lors d’une résidence de quatre mois » nous raconte-t-elle.
Une photographie thérapeutique
Comme les photographies de soirée, les recherches généalogiques autour de sa famille sont pour la jeune photographe une thérapie. Une manière de combler le vide du récit trans-générationnel qui a touché sa famille. Si le travail Infra- lui permet d’établir une écriture photographique radicale et d’affiner ses choix, Dame Gulizar and other love stories sonne comme un travail de maturité, une étape importante qui permet de constituer une nouvelle grammaire visuelle pour l’artiste.
« La seule histoire transmise dans ma famille est celle quasi-mythologique de mes arrière-grands-parents, Garabed et Gulizar. Gulizar aurait été une princesse, alors que Garabed était un producteur de basturma (viande séchée dans une croute d’épices). Les parents de Gulizar interdisaient leur union, et Garabed serait venu une nuit à cheval pour l’enlever et l’épouser. » Rebecca revient aussi sur les moments marquants de cette expérience : « J’ai de nombreux souvenirs marquants de cette aventure, dont bien sûr celui d’avoir vécu la Révolution de Velours du début à la fin, sur place, l’an dernier. Un autre souvenir extraordinaire, c’est quand j’ai découvert que j’avais de la famille en Arménie. J’ai contacté une cousine lointaine sur Facebook, et je l’ai rencontrée à mon vernissage à Erevan. »
Une photographe à l’univers étonnant, à suivre de près, qui promet de continuer à nous surprendre avec des histoires visuelles à l’indéniable puissance narrative faisant de la photographie un véritable roman.
Source : Rebecca Topakian
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