Le photographe Jesse Frohman fut le dernier à réaliser un shooting avec Kurt Cobain et Nirvana. C’était l’été 1993, neuf mois avant le suicide de la star. Dans un livre, retour sur ce grand moment de photographie et de musique. (Photo d’ouverture : © Jesse Frohman)
Pendant l’été 1993 le photographe Jesse Frohman est chargé par The Observer de réaliser un shooting photo du groupe Nirvana. Ce moment est resté dans la légende. A cette époque, Nirvana c’était quelque chose. Et Kurt Cobain faisait l’objet d’un niveau de notoriété sans précédent, face auquel le chanteur paraissait parfois désemparé.
À New York, pour jouer au Roseland Ballroom et promouvoir leur nouvel album In Utero, Nirvana a accepté d’être photographié par Frohman. Cobain avait accordé également une interview franche et candide à l’historien punk Jon Savage pour un article dans The Observer. Personne ne pouvait imaginer que cela aurait été le dernier shooting de la band avant le suicide de Cobain en avril 1994. Dans Kurt Cobain, The Last Session, Frohman détaille ainsi le déroulé de ce shooting « chaotique » à l’aide une centaine de clichés inédits et de planches-contacts.
Plus de vingt ans après sa mort, ces photos sont réédités dans leur intégralité, accompagnées de documents précieux. Elles témoignent d’un moment crucial dans l’histoire du rock’n’roll. Un texte introductif de Frohman et Savage révèle ce qui se passait dans les coulisses ce jour-là. Un bref essai de Glenn O’Brien explore ce que Cobain et Nirvana signifiaient pour des millions de gens à l’époque, et ce que a été leur héritage.
« J’ai vite compris qu’il était super high, et j’ai appris plus tard qu’il avait fait une overdose plus tôt dans la matinée, c’était la cause de son retard. Mais il est venu ! Après une overdose… J’ai eu beaucoup de chance qu’il vienne. Surtout quand on sait qu’avec son groupe, ils se fichaient pas mal des médias. Pas de limousines, pas de jets privés, ils n’étaient pas des rock stars au même titre que les Rolling Stones ont pu l’être par exemple. Avec du recul, je suis donc très surpris qu’il soit venu », confie le photographe à Vogue.
Rien ne s’est passé comme prévu ce jour-là. Le photographe souhaitait en effet portraire le groupe en plein air, à Central Park, mais l’état de Kurt ne le permettait pas. Ainsi, en à peu près trente minutes, Frohman a dû immortaliser l’essence de Nirvana…et il y est brillamment arrivé. Ces clichés sont désormais iconiques. Ils incarnent tout ce pourquoi ce groupe a été autant aimé.
« Kurt s’en fichait, et ça transparait sur toutes les photos de lui. Il ne cherchait pas à avoir l’air cool, il était juste cool. Avec cette manière nonchalante d’être, de s’habiller. Même s’il avait sans doute voulu être une rock star, il était avant tout un vrai artiste, un poète. À l’opposé du concept de pop star, d’un produit marketing complètement inventé. Il était stone quand je l’ai photographié, il s’est donc révélé sans fards, d’une manière très directe et très honnête » poursuit le photographe.
Pendant ces heures de séances photo, Cobain s’est simplement comporté comme bon lui semblait. Sans jamais regarder l’objectif. Que ce soit dans l’appartement, dans la rue, dans la salle de concert…l’artiste était lui-même, sans artifices. Nous voyons Cobain tel qu’il était juste quelques mois avant sa mort, tour à tour indomptable et raffiné, solitaire tout en se mêlant à ses camarades de groupe, absorbé par sa musique et toujours ambivalent sous les projecteurs.
L’interview de Savage révèle un côté optimiste de Cobain qui semble en contradiction avec son image publique, et qui est particulièrement poignant lorsque nous jetons un regard rétrospectif sur sa vie. C’est sa candeur et toute sa poésie que nous apercevons dans Kurt Cobain, The Last Session. Un ouvrage émouvant et nécessaire, pour tous les passionnés de rock’n’roll qui ont sincèrement aimé ce poète des temps modernes.
Source : Thames & Hudson
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