Opposant Leica au gouvernement chinois, une récente brouille prend quasiment les dimensions d’un incident diplomatique. La cause : un spot publicitaire portant le logo du célèbre constructeur allemand et mettant en scène la répression des manifestations de la place Tian’anmen.
Tout commence en fin de semaine dernière, lors de la publication d’un spot publicitaire baptisé « The Hunt« . D’une durée de 5 minutes, celui-ci fait la promotion de Leica en mettant en scène des photojournalistes équipés de matériel de la marque et faisant face à des événements historiques violents dont la représentation dans les médias a largement marqué notre rapport à l’image. Rien d’étonnant jusque là, puisque Leica s’est toujours targué d’un lien profond avec le photojournalisme et les plus nobles de ses valeurs. La majeure partie du court-métrage fait néanmoins référence à un événement pour le moins tabou de l’histoire chinoise contemporaine : la répression des manifestations de la place Tian’anmen qui a eu lieu le 4 juin 1989.
Le principal fil narratif du spot publicitaire prend en effet place à Pékin, en 1989, et suit un photographe occidental confronté à des soldats de l’Armée populaire de libération tandis que des coups de feu éclatent dans la rue, au pied de son hôtel. Cette scène relativement caricaturale se conclue au moment où le photographe parvient enfin à prendre une photo. Un reflet est alors visible dans la lentille frontale de son objectif : celui de la scène ayant donné naissance à la célèbre photographie surnommée « Tank Man ».
Érigée au rang de symbole de la protestation non violente face à la répression armée, cette image montre un homme seul (certainement un étudiant chinois) faisant face à des chars et bloquant leur avancée. Profitons en pour rappeler qu’aujourd’hui encore, le nombre de morts (civils et militaires) provoqués par la répression des manifestations de la place Tian’anmen reste inconnu – les estimations varient entre quelques centaines et plusieurs milliers.
Censure des autorités chinoises et désaveu de Leica
Publié quelques semaines avant la date anniversaire marquant les 30 ans de ces événements, le court métrage aurait été accueilli par une vive censure des autorités chinoises. Selon le journal hongkongais South China Morning Post, tout commentaire contenant le mot « Leica » aurait en effet été interdit de publication sur Weibo quelques heures seulement après l’apparition de la vidéo sur le réseau social chinois. La raison invoquée relèverait d’une « violation des lois et règlements en vigueur ou de la convention de la communauté Weibo ».
Toujours selon le South China Morning Post, Leica se serait pour sa part complètement désolidarisé de F/Nazca Saatchi & Saatchi, l’agence de communication brésilienne qui a produit le spot publicitaire. Le journal hongkongais rapporte en effet la réponse d’Emily Anderson, une porte-parole de Leica, qui soutiendrait que la vidéo n’aurait tout simplement pas été officiellement approuvée par le constructeur allemand. Rappelons d’ailleurs que ce dernier connaît depuis quelques années un partenariat florissant avec la firme chinoise Huawei, et pourrait par conséquent facilement se passer de l’ire de la république populaire de Chine.
Enfin, rappelons également que l’iconique cliché « Tank Man » a été capturé par le photojournaliste Jeff Widener à l’aide d’un boîtier Nikon FE2 et d’un objectif Nikkor 400 mm f/5,6 ED-IF (associé à un téléconvertisseur TC-301), et non avec un appareil photo Leica…
Source : South China Morning Post
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