La Goutte d’Or, Paris 18ème. Un quartier craignos comme on dit.
Un quartier que le célèbre Martin Parr a choisi pour parcourir appareil en main durant 4 jours, avec la touche d’humour qui le caractérise et une volonté explicite de montrer sous toutes les coutures une population trop souvent stigmatisée.
L’institut des cultures d’Islam expose jusqu’au 2 juillet le travail du photographe : aimantées au mur, 35 photos affichées en toute simplicité invitent à découvrir le quartier avec un oeil nouveau.
Rockeuses féministes, charcutiers, familles immigrées, hammam entre copines, échoppes traditionnelles ou au contraire super branchées : la Goutte d’Or se révèle dans toute sa richesse, loin des clichés, avec la cohabitation multiculturelle et mouvante qui lui est propre. Le regard facétieux et légèrement dingue de Martin Parr met côte à côte théières en plastoc bariolées, voiles à motif léopard, costumes à rayures mais aussi pièces de boeuf sanguinolantes sur le trottoir ou surprises derrière les devantures déglinguées.
Une série de portraits d’abord – commerçants du “village”, profs de walou, guitaristes, familles – révèle le regard spontané que le photographe a porté sur les habitants du quartier. Martin Parr, face aux réticences de certains locaux, a du renoncer aux portraits en pleine rue. Mais cela lui a permis d’aborder un quotidien parfois inattendu, comme ces musulmanes en foulard dégustant une galette des rois.
En revanche, le photographe a rencontré moins de difficultés pour ses clichés de la culture islamique : il a pu assister aux prières dans les mosquées, dans des lieux exclusivement réservés aux femmes, ou lorsque des centaines de fidèles doivent installer leur tapis sur la chaussée le vendredi soir. Là encore, le regard décomplexé du Britannique offre un angle malicieux à ce sujet sensible bien de chez nous : la religion musulmane est-elle reléguée en France au rang de « produit exotique »?
Finalement, l’objectif semble tout à fait atteint lorsqu’on s’arrête boire un thé à la menthe sur la terrasse de l’institut des cultures d’Islam, et que l’on découvre ou redécouvre un quartier méconnu, parce que mal perçu, sur le chemin de l’expo. La Goutte d’Or, avec ou sans le regard de Martin Parr, il fait bon s’y balader.
Martin Parr, The Goutte d’Or!, du 6 avril au 2 juillet 2011, du mercredi au dimanche de 15h à 20h, le samedi de 10h à 20h. Entrée libre. A l’institut des cultures d’Islam, 19-23 rue Léon, 75018 Paris.
11 commentaires
Ajouter le vôtreSur la dernière photo, la bouffe doit être vachement bonne dans cette épicerie, les mecs se prosternent devant ! ^^
Oui c’est cela : un très bon photographe documentaire de societe qui a le don de pouvoir intégrer n’importe quel milieu. Une qualité rare.
Merci pour cette découverte, je n’connaissais absolument pas ce Martin Parr et cet article me donne une bonne envie de m’y intéresser !
De très belles photos qui donnent envie de partir à la découverte de ce quartier.
Un regard extérieur, c’est frais.
Je suis (malheureusement ? ) complètement insensible à ce que Martin Parr fait
Oui, une bouffée d’air frais pour des thèmes qui prêtent à tant de débats politiques!
Ajoutons que l’expo a été inaugurée le même jour que le débat sur l’identité nationale… Coïncidence? Je ne pense pas 🙂
J’adore le travail de Martin Parr, j’avais entendu parler de cette expo.
Le thème est bienvenu dans cette période de repli identitaire, et nul doute que l’œil affuté de Martin Parr saura nous attendrir et nous faire sourire.
Vivement que je puisse la voir !
Vu fin avril, très belle expo et très belle leçon de civisme, de démystification de ce que les journaux nous envoient, et tout ca par un photographe anglais
Magnifique
Si les photos peuvent être neutres d’un point de vue artistique, je trouve qu’elles sont intéressantes dans la mesure où on peut voir (au moins les photos ici) le travail comme du photo reportage mais décalé.
Bon je vais essayer de me caler un créneau pour aller le voir, si ça intéresse quelqu’un…
Parr a volonté documentaire dans la totalité de son travail, il a une approche contemporaine bien que très classique (d’un style assez proche d’un Stephen Shore sur le côté documentaire que ce dernier a pu faire). Donc, on peut apprécier son travail en tant que photographe mais plutôt en tant que documentariste.