Avec Fabulous, Duane Michals parcourt la personnalité de son ami Andy Warhol à travers des clichés intimes, inédits, cachant des histoires tantôt émouvantes, tantôt terribles, montrant les revers de la gloire et du rêve américain. (Photo d’ouverture : Fabulous © Duane Michals)
Le photographe Duane Michals, en fouillant dans ses archives, a remis en lumière des clichés de son ami Andy Warhol, qu’il connaissait depuis ses début comme illustrateur au centre commercial new-yorkais Bonwit Teller. De ces recherches, naît Fabulous, un livret résumant ses années d’amitié avec l’artiste. Des clichés intimes avec sa mère, à des polaroïds posés avec des amis jusqu’à des close-up de certains traits du visage de Warhol, le photographe examine le personnage avec minutie et poésie.
Le livret, avec ironie et un brin de moquerie, s’ouvre avec un collage illustrant le visage d’Andy entouré des Demoiselles d’Avignon de Picasso. Les deux avaient en commun le fait de s’approprier sans gêne le travail des autres, au point que certains ne laissaient pas rentrer Picasso dans leur studio. Selon son ami Duane Michals, Warhol était un voleur d’art et d’idées décomplexé : « Nous avons déjeuné un jour et il m’a mis en garde : il m’a dit ‘Fais très attention parce que les gens vont te voler tes idées’, et bien sûr il a volé le travail de tout le monde ! ».
Au long des photos, on découvre la personnalité d’une figure restée immortelle incarnant la parfaite success story américaine. Garçon timide, fils d’immigré polonais, Andy a fréquenté l’école prestigieuse Carnagie Mellon car ses parents étaient convaincus qu’il n’aurait pas pu, comme ses deux frères, trouver un travail « normal ». Warhol est ainsi devenu l’artiste, penseur, publicitaire, manager qui l’a rendu l’un des personnages les plus riches et célèbres de l’histoire de l’art.
Mais Michals ne lésine pas sur les histoires et les détails qui ont terni aussi l’image de Warhol et de sa manière de voir le monde. Alors qu’il raconte la triste histoire du garçon anonyme mort d’overdose, figurant dans le cliché où Andy et Gerard Malanga sont assis sur un canapé, il déclare lors d’un entretien avec l’écrivaine Christina Caccouris : « Ça m’a brisé le cœur. C’est le revers de la putain de gloire. Je déteste tout ça. Je déteste le bas de gamme, le clinquant, la superficialité. Il y avait tous ces acolytes en mal d’Andy Warhol avec des noms stupides, toutes ces créatures qui ne survivaient que lorsqu’elles restaient dans la rémanence du nom d’Andy. »
La narrative de Michals est rendue encore plus efficace du fait qu’il a été imprégné par l’essor du photojournalisme dans les années 1960, méthode photographique qui a introduit l’idée de pouvoir dérouler une trame à travers une série d’images.
Michals a également intégré le texte comme un élément clé de ses œuvres. Plutôt que de servir une fonction didactique ou explicative, le texte écrit à la main ajoute une autre dimension à la signification des images et donne une voix aux réflexions singulières de Michals, qui sont poétiques, tragiques et humoristiques, souvent tout à la fois.
En nous laissant pénétrer d’une façon percutante et authentique dans la vie d’Andy, Michals nous donne en réalité accès à la personnalité réelle de ce personnage devenu l’incarnation même des valeurs de l’art contemporain, de ses progrès, de ses névroses, de la machine à idées et à capital que bon nombre d’artistes actuels, obsédés par Instagram et par la visibilité plus que par l’œuvre, rêvent probablement de devenir.
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Source : Blind
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