Cédric Jereb aurait voulu être peintre. Mais comme il n’était pas très doué avec la gouache, il a choisi de peindre avec de la lumière. Photographe et vidéaste, il nous parle féminité, expérimentations artistiques et verni à ongles. (Photo d’ouverture : © Cédric Jereb)
Comme souvent dans la création, le travail de Cédric est le résultat d’une suite d’accidents. D’abord tourné vers des études de graphisme à Amiens, il découvre le laboratoire photo de son école, une mine d’or pour expériences créatives : « Je trainais beaucoup au laboratoire, il y avait plein de matos à disposition, se souvient le trentenaire, il y a un côté do it yourself grisant dans l’argentique : je faisais mes photos, je les développais et je les tirais le jour-même, je jouais à faire des effets en passant la main sous l’agrandisseur, j’expérimentais. »
Poésie brute
Le photographe est formel : dans son travail, hors de question d’avoir un rendu trop clean. Cédric aime quand c’est brut, honnête, pas technique. Il bricole ses objectifs, les abime volontairement, provoque les accidents qu’il affectionne. « C’est un délire onirique, explique t-il, un truc un peu brumeux : parfois ne pas distinguer si c’est un garçon ou une fille sur la photo, avoir des détails qui sont flous, diffus, c’est ça que je recherche, cette espèce de doute sur la réalité. »
Amoureux des grands paysages, Cédric profite de ses voyages, notamment aux Etats-Unis qu’il parcourt en long en large et en travers, pour expérimenter au maximum. De ces tests, il ne reste presque plus de trace. Leur rôle n’était autre que celui de brouillon photographique. De retour en France, le photographe cherche à retrouver ces paysages intemporels qui l’inspirent tant et s’installe dans le Sud Ouest, décor récurrent de ses images ces dernières années.
LVMH sur VHS
Aujourd’hui, Cédric distingue la photographie de son métier. Pour lui, la photo est une passion dans laquelle il peut s’exprimer sans contraintes. Son gagne-pain, c’est la vidéo. Le jeune homme travaille régulièrement pour l’Officiel de la Mode. Son nom commence à tourner et les clients s’enchaînent. De Dior à LVMH, Cédric pense que c’est sa « façon brute de filmer du luxe » que les marques recherchent chez lui. Contrairement à la photographie qu’il n’envisage qu’en argentique, il n’exclut pas le numérique pour ses vidéos. « Pour le business, on ne peut pas exiger d’être un artiste, assure t-il, si les marques n’en veulent pas, on fait pas de pognon. » Cédric répond aux commandes tout en essayant de placer au maximum différents formats si le client le permet, dont le Super 8 qu’il affectionne particulièrement. La photo, c’est intouchable : « si on me demande de faire du numérique photoshopé, je le ferai pas. »
Ça tombe bien, pour le moment ses clients ne recherchent pas ça, bien au contraire. Le photographe suggère que les marques ont enfin compris qu’il fallait arrêter de mentir à leur cible, d’où le recul de la retouche outrageuse en post production : « on veut voir des gens avec des boutons, des grains de beauté, des personnes naturelles. La cible a besoin d’être représentée. »
Quand on lui demande s’il ne craint pas de ne plus avoir de commandes le jour où cet effet de mode sera passé, il balaie nos inquiétudes d’un geste : « C’est une mode mais moi je ferai tout le temps ça. C’est mon style, je ne peux pas mentir, je fais ça depuis des années. Dans le travail, c’est différent. On ne peut rien contrôler, ce sont les marques qui décident. » Business is business, en tout cas pour le moment : « Quand j’aurai assez d’argent, je ferai un long métrage. Mais là je ferai mon film à moi, ça ne sera pas pour une marque. »
Féminité mon amour
Toujours dans cette démarche de brouillon avant œuvre finale, Cédric s’est attelé à la réalisation de quatre courts-métrages, à découvrir sur son site : « je sais où je vais mais j’essaie d’expérimenter avant de faire mon long métrage. » Le thème ? L’égalité homme-femme, certes d’actualité mais faisant écho à l’histoire du photographe. Pour les trois premiers courts, Cédric a décidé de réaliser les portraits de personnes rencontrées dans un laps de temps très réduit avec qui il a échangé sur ce sujet. Le quatrième court-métrage l’a ramené aux Etats-Unis, à Santa Cruz, pour conclure cette série sur les gens rencontrés là bas.
LES GARÇONS. SHORTFILM. from Cédric Jereb on Vimeo.
« Je vais voir comment c’est reçu et j’aviserai, révèle le photographe. Je demande beaucoup les avis des autres. Par exemple sur Instagram, ça m’arrive souvent de demander à quelqu’un qui a aimé une de mes images ce qui lui a plu dedans, ça me permet de voir si je vais dans la bonne direction. » Une précaution tout à fait appréciable, d’autant que le sujet est sensible. « Je suis un mec et c’est difficile pour un homme de parler de féminité. Je ne veux pas faire d’erreurs donc je suis tout le temps en train d’apprendre ou de demander, de lire des bouquins, de regarder des films de Jane Campion ou autres réalisatrices engagées. J’ai besoin de personnes qui m’aident à comprendre la féminité, ça fait partie du processus créatif. »
D’où lui vient cette fascination ? Son expérience personnelle, des rencontres et toujours cette question du rapport homme-femme, de la violence, du désir et du consentement. Et lorsqu’on lui demande si ses ongles vernis, une couleur différente pour chaque main, représentent sa part de féminité, il répond que c’est parce qu’il adore les bagues mais porter des bijoux aux mains, c’est chiant parfois. Il vernit donc ses ongles pour compenser et il hésitait entre deux couleurs. Pourquoi devoir se décider ? Comme dans son travail, il préfère expérimenter.
Plus d’informations
Pour suivre le travail de Cédric, rendez-vous sur son site ou son compte Instagram.
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