Le Prix Virginia dévoile sa première sélectionnée 2023, Irina Shkoda. A travers son travail, elle explore le sacré et les tabous qui y sont liés. Dans Miserere, elle aborde son expérience de vie au sein d’un couvent et son rapport complexe à la Chrétieneté. (Photo d’ouverture : © Irina Shkoda)
Le Prix Virginia annonce sa première sélectionnée 2023 : il s’agit de l’ukrainienne Irina Shkoda. Le Prix Virginia est une récompense internationale décernée à une femme photographe qui est remise tous les deux ans depuis 2012 à une professionnelle, de toute nationalité, sans limite d’âge pour un travail photographique, hors commande presse et publicitaire, inédit en France.
Le Prix Virginia a été fondé par la photographe Sylvia Schildge, qui explique : « Les femmes de ma famille m’ont été fondatrices : Virginia ma grand mère pianiste, ma grande-tante peintre, et ma mère sculpteur ont nourri ma curiosité pour l’art depuis ma plus tendre enfance. Cette filiation a ouvert mon chemin d’artiste et de photographe plasticienne. Créer le Prix Virginia, c’est affirmer mon soutien à la reconnaissance des femmes photographes. C’est aussi partager les passions qui m’ont été transmises ».
Déconstruire les injonctions d’une Chrétieneté oppressante
Irina Shkoda est une artiste visuelle et photographe, née à Kiev et basée à Paris, diplômée de l’école de photographie moderne Docdocdoc, à Saint-Pétersbourg, en 2019.
Une grande partie de son travail est consacrée à des projets personnels à long terme qui contemplent la notion de sacré et les tabous qui y sont associés. L’impulsion pour la recherche sur ce sujet est née à la suite de son expérience d’adolescente, lorsqu’elle a passé une partie importante de son temps dans un couvent.
« Le sujet (depuis la Chrétienté) est celui qui souffre. Là où il y a blessure, il y a sujet » écrivait Roland Barthes dans Fragments d’un discours amoureux. Shkoda mène alors un travail d’exploration de ce qu’a été le supplice auto-infligé au sein de son parcours spirituel. C’est à travers la douleur que la photographe apprends à connaître sa personnalité.
« Dieu, en tant que projection du père qui m’a rejetée, m’a conduit à vouloir attirer l’attention à travers le péché. Le simple mot de péché a toujours eu une connotation sexuelle pour moi » explique-t-elle. « A travers les textes du Nouveau Testament, j’ai appris que Dieu ne venait pas aux justes mais aux pécheurs et cela a déterminé mon comportement pour de nombreuses années. »
Dans la série, elle décide alors de s’emparer de quelques moments traumatiques de sa vie et d’en donner une lecture nouvelle. De les re-jouer, afin de sortir d’un schéma d’action lié à la peine et au trauma. Alors que le « péché » fût pour elle un droit à l’insoumission, Miserere est la sublimation d’un parcours personnel vers l’émancipation des dogmes chrétiens, qui écrasent le sujet féminin jusqu’à l’anéantissement dans la douleur. Le personnage insoumis de Marie Madeleine, à tort considérée comme une pêcheresse par le patriarcat écclésiastique, devient alors un modèle vers une éducation nouvelle.
« Enfant, on m’obligeait à lire le psaume de David deux fois par jour, matin et soir, pour suivre la règle des croyants. […] Chaque photo correspond à un souvenir traumatique et à un verset du psaume » confie la photographe, qui s’émancipe désormais d’une culture mysogine au sein de laquelle la femme assume toute sa valeur dans une forme de souffrance choisie.
Source : Prix Virginia
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