Le photographe Jon Henry (Instagram ici) donne vie à une série bouleversante contre les violences racistes de la police aux Etats-Unis. Dans Stranger Fruit, des jeunes Afro-descendants posent, comme inertes, dans les bras de leurs mères. Un hommage à Sean Bell, George Floyd et les autres fils d’une Amérique ingrate. (Photo d’ouverture : © Jon Henry)
Jon Henry est le lauréat du prix Arnold Newman 2020 pour les nouvelles orientations du portrait photographique pour sa série Stranger Fruit, mettant en avant des portraits de mères Afro-Américaines tenant leurs fils dans leurs bras comme s’ils étaient décédés. Un geste d’une immense puissance suggestive, contestation poétique et efficace des violences policières sur les Afro-descendants aux Etats-Unis. Les modèles reproduisent des poses qui suggèrent « La pietà », la fameuse statue de Michel-Ange représentant la Vierge Marie tenant entre ses bras le corps inerte de Jésus.
Né et élevé dans le Queens, New-York, Henry dit que l’idée de la série, qu’il a commencée en 2014, lui est venue après le meurtre de Sean Bell en 2006 par la police, le matin avant son mariage en Jamaïque. « J’ai eu l’impression que cela aurait pu être moi ou n’importe lequel de mes amis », dit-il, en ajoutant : « J’ai 38 ans, et à ce jour, ma mère me dit d’être prudent ; elle s’inquiète toujours ». L’iconographie religieuse vient naturellement à Henry, qui a été élevé dans l’église épiscopale St. George à Flushing, dans le Queens, où il avait un studio de photo et travaillait comme sacristain. L’église est le cadre de la première photographie de la série.
Ce qui a commencé comme une protestation contre les meurtres insensés de Noirs Américains par la police a fini par être beaucoup d’autres choses aussi. Il s’agit notamment d’un miroir introspectif qui permet aux spectateurs d’examiner leur propre point de vue sur le sujet.
Les personnes que nous voyons sur les photos sont de vrais mères avec leurs vrais enfants, posant dans leur propre environnement, reconstituant ce que cela doit être de les perdre. Les mères sont isolées. Seules. Dans une mise en scène vide et silencieuse.
Lorsque les procès sont terminés et que les manifestants sont rentrés chez eux, lorsque les caméras des journaux télévisés ont disparu et qu’il n’y a plus personne, la mère reste avec son deuil pour toujours. Selon le photographe, il est impossible d’imaginer que ces mères et ces familles puissent retrouver une tranquillité d’esprit. L’injustice de ce moment les hantera toujours.
En montrant au grand public ce que cela veut dire de craindre la police aux Etats-Unis et subir un racisme systémique, le photographe espère éveiller les consciences dans la continuité de Black Lives Matter.
Même si ces prises de vue sont des simples mises en scène, elles rayonnent d’authenticité. « Les familles choisissent ce qu’elles sont prêtes à porter, ce qui contribue à la sensation de naturel », a expliqué Henry à Bored Panda. « La mise en confort de la famille pendant le shooting contribue également à la sensation de véridicité des images. Ce ne sont pas des acteurs, ce sont des familles qui prennent [vraiment] en compte ces questions ».
Un travail photographique remarquable qui montre les possibilités d’engagement et de lutte que l’image permet en 2020.
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