Piet Oosterbeek dresse le portrait de la jeunesse géorgienne en révolte, entre défense des libertés, émergence queer et rébellion par le vêtement. Loin de la coolness véhiculée par les magazines de mode, le photographe nous plonge dans le quotidien d’une génération en lutte. Le livre de Everything OK not OK est disponible ici. (Photo d’ouverture : © Piet Oosterbeek)
Avec sa série Everything OK not OK, le photographe néerlandais Piet Oosterbeek nous plonge dans le quotidien de la jeunesse de Tbilissi, en Géorgie, qui connaît une véritable floraison artistique depuis quelques années. Devenue une capitale de la mode alternative, en trouvant son égérie en Demna Gvasalia, directeur artistique de Balenciaga, Tbilissi ne cesse d’attirer la fashion et d’intriguer photographes et clubbeurs du monde entier. Alors que les journalistes et bloggeurs envahissent la ville le temps des fashion weeks, qu’une réputation de coolness se répand dans l’imaginaire des européens occidentaux voulant fuir l’ennui de leurs capitales monotones, en Géorgie celle qui semble être une renaissance cache bien des côté sombres.
En Géorgie le pouvoir de l’Eglise Orthodoxe est écrasant. L’homosexualité et l’art alternatif ne sont pas tolérés et sont vivement réprimés par les autorités. « L’apparence de ces jeunes de Tbilissi est un acte de résistance contre l’église et les normes et valeurs conservatrices dominantes dans leur pays », explique le photographe néerlandais à propos du sujet de la série. Chaque piercing, chaque coiffure décolorée ou un poil trop longue ou courte, chaque jupe ou t-shirt à message est un acte politique pouvant avoir des sérieuses répercussions sur les personnes qui osent assumer leur identité.
Le photographe, passionné par les cultures underground et par les questions identitaires, a découvert la situation géorgienne en se renseignant sur les émeutes de 2013 et 2018. Les vidéos de ces manifestations montrent des descentes de police attaquant des clubs LGBTQ+ sous couvert de lutte contre le trafic de drogue. Ces actes ont été suivis de violentes actions des nationalistes du pays contre les personnes queer. Les jeunes dont Piet tire le portrait racontent leurs histoires : Mariam, dans la photo ci-dessous, pose avec l’habit de prière de son père, des vieux bâtiments sur le fond, le regard stoïque et les cheveux courageusement courts. La photo est une puissante claque à la culture religieuse oppressante.
« Tout est ok mais ce n’est pas ok » est aussi un avertissement aux nouveaux touristes de la mode attirés par Tbilissi : ici, s’affirmer ce n’est pas le « m’as-tu vu » des rues parisiennes mais un geste qui peut mettre des vies en danger. Accompagné par le styliste Dave Waldorf, Piet a parcouru Tbilissi en quête de rencontres intéressantes. Il a aussi traîné dans des clubs queer, les mêmes qui ont été pris pour cible par les forces de l’ordre, comme le Bassiani café ou le Café Gallery. La série a été aussi préparée en amont, à travers les réseaux sociaux et l’agence Troublemakerz.
L’intérêt du photographe pour tout ce qui dévie de la norme et est donc réprimé violemment dérive de son enfance. En tant qu’enfant qui bégayait beaucoup, Piet avait l’impression que tout était un combat. « Je n’osais même pas aller à la boulangerie pour commander un petit-déjeuner parce que je n’arrivais pas à sortir des mots », dit-il de cette période difficile dans une interview pour It’s Nice That. Ce vécu de lutte permanente mène aujourd’hui cet artiste de talent à se pencher sur les histoires les moins connues, à donner une voix à celles et ceux à qui on coupe la parole, à raconter le monde en dehors des mécanismes oppressants qui le dominent.
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Le livre de Everything OK not OK est disponible ici.
Source : Instagram
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