Toutes les semaines Lense met en avant l’un de ses Lensers, les lecteurs passionnés de photographie qui ont partagé leurs images sur le site. Cette semaine, nous vous présentons Marion Romagnan. Pour participer, c’est par ici. (Photo d’ouverture : © Marion Romagnan)
Marion Romagnan est une passionnée de l’argentique. Avec son appareil elle immortalise des besoins d’errance, d’arpenter le monde, d’aller à sa rencontre. Tout peut être le sujet d’une photographie dans une atmosphère poétique et remplie de mystère.
Quel est ton rapport à la photographie ?
J’ai toujours voulu être ailleurs. Où que je sois, être ailleurs. J’ai construit ma vie autour de cette possibilité : fuir. La photographie est venue s’immiscer petit à petit dans ces fugues solitaires. Je me suis rendu compte – il y a peut-être 4 ou 5 ans – que ce qui m’importait n’était pas tant le lieu de ma fuite que le moyen d’y parvenir. Il fallait que ce soit lent et compliqué. Je devais mériter ce qui m’attendait. Eprouver le temps, les distances. Prendre trois trains, un bateau et deux bus là où il aurait fallu seulement trois heures en avion.
J’ai alors ressenti le besoin d’avoir un compagnon de route – ou peut-être un prétexte – qui m’aiderait à cartographier ces dérives. J’aime l’idée de photographier de là où je me trouve, ne pas chercher le beau, l’intéressant, juste ce qui se déroule sous mes yeux, à travers les vitres d’un train, sur le quai d’une gare…Aujourd’hui je n’arrive à photographier que dans l’ailleurs, libérée du quotidien.
Comment as-tu commencé à en faire ?
Au cours de ma formation de comédienne, j’ai été amenée à m’interroger sur mon rapport à mon image, à mon corps. J’ai alors eu la chance de collaborer avec plusieurs photographes en tant que modèle. Il m’est apparu assez rapidement que mon intérêt n’était pas d’être “l’objet” d’une photographie mais bien le procédé photographique en lui-même. Ma rencontre avec le photographe Philippe Bréson a confirmé cette impression.
C’était comme pénétrer dans l’univers mystérieux d’un magicien : sténopés, vieux appareils bricolés, procédés anciens… tout ceci a particulièrement nourri mon envie de découvrir la photographie argentique. J’ai commencé avec un Holga, pour m’amuser. Et puis en 2017, avant un voyage aux Etats-Unis, j’ai eu envie de quelque chose de plus consistant. Je me suis offert un lot de pellicules couleur et un vieux boîtier argentique. Depuis, je ne pars jamais sans.
Quels sont tes sujets de prédilection ?
J’ai démarré une série autour de mon besoin d’errance, d’arpenter le monde, d’aller à sa rencontre. Tout peut être le sujet d’une photographie. Par exemple, prendre mesure de la temporalité du déplacement lors d’un voyage, se positionner dans un espace et un temps. Prendre son temps. Le temps d’observer, de rencontrer, de s’ennuyer, de vagabonder, de penser. Cela rejoint à mon sens le procédé argentique : c’est fait, c’est là, on ne peut pas supprimer ou contrôler pour refaire, et surtout, on prend le temps de faire, tout simplement. Et puis, il faudra attendre le développement pour voir. Cette pratique a finalement redéfini mon rapport au temps : une façon de lutter contre l’immédiateté, le « tout, tout de suite » qui gouverne nos vies actuelles.
Je commence également à prendre des personnes en photo. Ce n’est pas simple, au début on se cache un peu, on appuie vite sur le déclencheur, on prend de dos, de profil. J’essaie de plus en plus d’aller vers les gens, de leur demander qui ils sont, ce qu’ils font. J’ai d’ailleurs en tête un autre projet. Plutôt des portraits. Sur la vieillesse. J’éprouve une certaine fascination pour les visages des personnes âgées. J’aime les histoires que l’on peut lire dessus, ils me rendent curieuse.
Quel matériel utilises-tu dans ta pratique ?
Tout bon vieux boitier robuste et fonctionnel fait l’affaire. Reflex de préférence, pour la pleine visée. J’attache beaucoup plus d’importance à la focale et je reste une inconditionnelle du 50 mm. Un goût pour la fidélité du réel et la volonté de la bonne distance. Si on veut aller plus près, on avance. Sinon, on recule. J’aime l’idée que mon corps soit aussi l’outil photographique.
Qui sont tes photographes de référence ?
Il est toujours délicat d’isoler un nombre restreint de références. En ce moment, je m’intéresse par exemple beaucoup au travail de Claude Nori, son « flirt photographique » m’aide à développer mon approche de l’autre au travers – ou au prétexte – de la photographie. Bernard Plossu, ou encore Raymond Depardon, dont les errances solitaires respectives me fascinent et enrichissent grandement mon appétit du voyage. J’ai récemment découvert Mike Brodie, et ses vagabondages clandestins à bord des trains de marchandise nord-américains. Finalement, tout photographe dont le travail rejoint l’idée du déplacement et de la rencontre de l’autre, de l’ailleurs, de l’autre ailleurs.
Comment as-tu découvert, connu Lense ?
J’ai découvert Lense via le magazine Fisheye que je suis depuis longtemps. J’ai eu envie de partager mes photos sur une plateforme vraiment dédiée à la photographie et aux photographes quels que soient leur niveau et leur pratique.
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