Toutes les semaines Lense met en avant l’un de ses Lensers, les lecteurs passionnés de photographie qui ont partagé leurs images sur le site. Cette semaine, nous vous présentons Jean-Christophe Yacono, aka Yako. Pour participer, c’est par ici. (Photo d’ouverture : © Yako)
Obsédé par la lumière, le mouvement, l’instant fugace, Jean-Christophe Yacono maîtrise l’effet flou avec élégance. C’est dans le milieu de la danse et du spectacle vivant qu’il arrive à capturer ces prises de vue mystiques en noir et blanc. Cette année il a ainsi produit des superbes portrait chorégraphiques qui trouvent un aboutissement dans le court-métrage FEAR IN MOTION. Rejoignez sa newsletter ici.
Quel est ton rapport à la photographie ?
#blurwillsavetheworld ! C’est avant tout un rapport à la libération du corps et de l’esprit, à la méditation et au voyage. Je suis réalisateur multimédia sur des projets assez complexes parce qu’interactifs ou grands formats. La force simple et instantanée de la photo me procurent un vrai repos. J’ai de plus en plus de mal à m’extirper de ce processus apaisant, lorsque je suis derrière l’appareil ou mon ordi, quand je derush et je travaille les images du jour. Je disparais. Je suis focus. Je n’ai plus mal. Je suis au service de cette lumière qui se révèle, qui bouge et de tout ce qui peut en moduler la texture.
Comment as-tu commencé à en faire ?
J’ai toujours vu mon grand-père jouer avec des caméras à soufflet en cuir, il a travaillé aux ateliers Lumières à Paris dans les années 20-30. Mon père, quant à lui, travaillait avec une camera 8 mm et faisait des titrages animés. Mon doigt déclencheur s’est partiellement libéré dans mes cours de photo à Paris dans les années 80.
Je n’appréciais pas tant le travail de labo, mais je brulais de la pellicule 35 ou moyen format que je n’ai développé que beaucoup plus tard. Ensuite ma rencontre avec Michael Snow en 2000 lors de la production du projet « Digital Snow ». Sa série « Plus Tard » m’a permis de voir mes images prises à la volée sous un autre jour. La pièce présente plusieurs photos d’œuvres sur les murs d’une galerie replacées dans une salle.
Elles sont floues, horizontalement. Je suis resté interpellé par le sens que ce flou de déplacement exprimait sur ma posture et de celle des visiteurs de galeries. Je me suis senti à ma vitesse. Je me suis senti à l’extérieur de moi en train de me regarder passer. J’ai compris que dans la vie, dans cette salle, à l’arrêt ou en mouvement, je ne ferai que passer et attraper ce qui serait à ma portée.
Quels sont tes sujets de prédilection ?
Tout ce qui est en mouvement. Et si le sujet est statique, c’est moi qui me déplace, en train, en transports en commun, parce que mes pieds refusent de s’arrêter pour prendre une pause ou que ma main cherche le cadre ou à surexposer le capteur.
La danse me fait beaucoup vibrer. Je vais voir le plus de performances possible. Je tente d’en photographier de plus en plus aussi en proposant mon point de vue aux chorégraphes et aux interprètes.
En cette fin d’année, je me suis concentré sur des « portraits chorégraphiques ». Je tente de traduire en jets de lumière et en traces le mouvement des danseur.se.s. J’ai revu Carol Prieur et Frédérick Gravel avec qui j’ai fait le court métrage de photos animées FEAR IN MOTION. J’ai contacté Claudelle et Clémentine. J’ai capté la nuit dans une ruelle, dans un grand appartement vide, à la Sala Rossa et le jour dans une petite salle de répétition, un atelier d’artiste puis au Cirque Éloize, dans le grand studio.
Quel matériel utilises-tu dans ta pratique ?
Étudiant, je me suis offert un Canon A1 monté d’un simple 50 mm f1.8 et un oncle Marc m’a donné de vieilles lentilles, Soligor je crois, des zoom un peu lents et granuleux avec lesquels j’ai fait beaucoup de tests. Je me suis acheté un Yashica D d’occasion. Ensuite, j’ai eu de petits boitiers de poche pour faire de la photo de rue, du portrait au flash et les focales 35 et 28 mm pour me rapprocher et entrer dans l’intimité du sujet. J’ai toujours un Canon 7D avec lequel j’ai produit du contenu multimédia, essentiellement pour petit écran. C’est en cherchant un « d nut » pour alléger le boitier que je suis tombé sur l’appareil qui a changé ma pratique.
Presque toute ma production actuelle est faite avec un « Pint and shoot ». Le Ricoh GR II. Cet appareil m’a libéré de la technique. Il est toujours avec moi. Je peux produire sur le moment et diffuser instantanément sur les réseaux sociaux. Mon deuxième appareil de poche est un « vieux » iPhone 6S avec une lentille légèrement égratignée (ma photo la plus vendue sort de cet iPhone). J’ai toujours mon A1, le Yashica et le M6mkII que je vais probablement échanger contre un Alpha 7C. Et un Sun 600, pour les partys. J’espère le réutiliser bientôt. J’aimerais tellement pouvoir travailler avec le Leica Q-Monochrome…
Qui sont tes photographes de référence ?
Je suis resté bluffé par le travail des Japonais de l’après-guerre. J’ai trouvé satisfaisant et punk cet art de rendre le laid beau. Il est temps pour moi d’apprécier et de jeter un autre regard sur « l’imperfection, l’abimé et la mort ». Comme dans l’après-guerre d’un Japon ravagé, où Wabi-Sabi et l’art du kintsugi revinrent par nécessité. Comme aujourd’hui alors qu’il faut imaginer un futur incertain et possiblement ravagé.
Donc Daido Moriyama pour commencer. Ensuite, je peux citer Hideyuki Ishibashi et Daisuke Yokota pour rester au Japon. Duane Michaels pour ses saynètes. Dans ceux qui me font vibrer, on trouve Michael Akerman, Sohrab Hura, Posner Igor, Todd Hido, Arthur Meehan, Raymond Meeks, Donata Wenders, William Klein, Jenny Woods et, au Québec, Serge Clément. J’aime bien la perversion de la vie quotidienne de Nobuyoshi Araki aussi.
Comment as-tu découvert, connu Lense ?
Je pense que c’est par les # de Fisheye sur Insta. Ou un magazine acheté dans un aéroport quand nous volions encore nonchalamment de ville en ville? Je cherche une place en dehors d’Instagram. Avoir moins de pub et moins de followers, mais plus de qualité et de pairs. Alors j’ai fouillé le web et les apps en quête de photos et d’œuvres qui me font réfléchir à mon travail et qui questionnent ma propre sensibilité. Pour le contenu franco-européen, j’écume les contenus de Fisheye, de Lense et de l’Oeil de la photo en plus du Black and White Photo Magazine britt. Merci pour votre travail.
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2 commentaires
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Merci de mettre en valeur le travail des Lensers 🙂