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Portrait de photographe – Laurence Kubski

Ne pas choisir est un choix comme un autre.Laurence Kubski n’a pas choisiEt c’est ce qui nous a plu. La photographe se présente elle-même comme Art Director, photographe, ou graphic designer…Ses images, elle les considèrent comme faisant partie d’un tout multidisciplinaire dont les arts visuels sont d’égales importance. Une autre idée de la photo bien loin de l’indécision de la jeunesse… (Photo d’ouverture : © Laurence Kubski)

© Laurence Kubski
Vous êtes jeune photographe, jeune graphic designer, jeune directrice artistique… où placez-vous la photo dans tout ça ?

Ah oui (rires)… Les gens n’aiment pas que l’on puisse être ça tout à la fois. Souvent, on m’a dit que je devais faire un choix entre le graphisme et la photo, pour me positionner clairement dans le monde du travail. Mais chaque domaine répond à l’autre. Si je ne fais que du graphisme, la photographie me manque, et vice versa, d’autant plus que, pour moi, la pratique de l’un améliore l’autre.

Vous êtes une jeune photographe… pensez-vous que cette volonté de maîtriser plusieurs aspects des arts visuels soit une tendance nouvelle chez les photographes émergents ?

Probablement que cela a toujours existé, parce que la transdisciplinarité semble aller de pair avec ce médium. L’ère du numérique ayant rendu la pratique de la photographie très accessible, les gens sont probablement encore plus décomplexés à l’idée d’expérimenter, de jouer avec l’image. Votre question me fait aussi penser au travail « Traces » de Weronika Gęsicka : le livre publié en 2017 présente une sélection de photographies – achetées sur des banques d’image – montrant des scènes de vie familiale américaine dans les années 1950-1960, que l’artiste polonaise détourne par de photomontages. C’est un projet plein d’humour, qui questionne le statut des images et qui est en plus esthétiquement très séduisant. Weronika Gęsicka est d’ailleurs diplômée de l’Académie des Beaux-Arts de Varsovie du département du graphisme et de photographie…

© Laurence Kubski
Nous sommes rentré dans votre travail par une photo très particulière qui représente un hibou sur l’épaule d’un jeune homme et dont les profils se confondent, de sorte que le profil du hibou devient celui du jeune homme… pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette image…

Lors de mes études de Master en direction artistique à l’ECAL / Ecole cantonale d’art de Lausanne, l’occasion nous a été donnée de passer une semaine à Tokyo pour réaliser un projet. J’avais souvent entendu parler des bars à chats – concept originaire de Taïwan qui existe depuis plus de dix ans – où les clients consomment leur boisson en compagnie de chats qu’ils sont libres de caresser ou de photographier. En faisant des recherches, j’ai découvert que la dernière mode en matière de « bars à animaux » à Tokyo semblait être les bars à hiboux!  Ça m’a interpellée… Je ne voyais pas comment des animaux nocturnes et sauvages pouvaient s’acclimater à des endroits confinés et interagir docilement avec des gens… Après avoir rendu visite à plusieurs bars à hiboux, j’ai convenu avec la gérante d’un de ces lieux de pouvoir photographier les clients de son bar durant un après-midi, en échange de quoi je pouvais réaliser des images pour mon projet. Alors, j’ai passé 6 heures dans 4 m2 entourée d’une dizaine de hiboux dont des Grands-ducs… c’était très impressionnant et ça n’a pas été simple du tout ! C’est à la fin de la journée que j’ai fait ce portrait de mon traducteur pour le remercier de m’avoir aidée dans ce projet ! Le hiboux qui était sur son épaule était extrêmement calme, ce qui a rendu possible ce point de vue.

© Laurence Kubski
Et qu’en est-il ressorti de ce challenge ?

Comme projet de diplôme pour mon Master à l’ECAL, j’ai réalisé un magazine appelé « Domesticate » (« domestiquer » en français), qui présentait une série d’articles traitant de l’interaction entre l’homme et l’animal. Souvent, les publications portant sur les animaux sont destinées aux passionnés de nature, aux chasseurs, aux écologistes, aux photographes animaliers, aux éleveurs ou aux propriétaires d’animaux de compagnie – leur parti pris est donc plutôt clair et par conséquent souvent unidirectionnel. Je voulais me détacher de ça et réunir divers points de vue pour reconsidérer notre rapport aux animaux qui dépend beaucoup du lieu et donc de l’influence culturelle dans lequel nous évoluons.

© Laurence Kubski

Après avoir terminé mon Master, j’ai continué à travailler sur cette thématique, mais j’ai souhaité me libérer de la contrainte éditoriale que je m’étais fixée. J’ai collectionné des histoires de relations entre les hommes et les animaux issues de différente cultures, en ne dégageant qu’une image par sujet. Chaque image est donc présentée avec une légende – la part informative est importante pour moi. Comme pour cette photo des œufs de perroquets Aras au Pérou. Ce sont en fait des œufs-robot (réalisés par des scientifiques de l’Université A&M du Texas) qui enregistrent différentes données telles que la température à laquelle ils sont couvés ainsi que le nombre de rotations auquel ils sont soumis – des informations cruciales pour mieux comprendre les habitudes de nidification de cette espèce menacée.
Mon travail photographique autour de la question de la relation homme-animal ne cherche donc pas directement à dénoncer ou à critiquer. Je me pose en observatrice.

Vous vous posez en observatrice et pourtant, il semble que vous ayez du mal à vous percevoir vous-même comme photographe ?

Ma carrière professionnelle a commencé en tant que graphiste et cela m’a pris du temps pour me présenter en tant que photographe. Le fait d’avoir gagné le premier prix VFG des jeunes talents suisses en photographie l’année dernière m’a aidée à crédibiliser ma démarche. D’autres encouragements ont suivi comme la nomination pour les les Prix Voies Off, Révélation SAIF et Lacritique.org de la 23ème édition du Festival Voies Off cette année. Cela m’a permis également de décrocher les premiers travaux de commande en photographie.

Avez-vous des projets personnels en cours ?

Oui ! Je travaille actuellement sur des projets photographiques, je m’intéresse notamment aux achats d’animaux de compagnie par Internet, ainsi qu’aux aquariums géants qu’ont certaines personnes dans leur appartement. Cela rejoint mes questions autour de l’homme et de sa relation à l’animal, de sa proximité avec la nature…

© Laurence Kubski

Site : Laurence Kubski

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