Portrait de photographe – Pierre Leblanc

Votre série « Les Mutants » a un impact visuel très fort qui peut effrayer même… Comment l’idée est-elle née ?

C’est une continuité de mon travail entrepris depuis pas mal de temps qui cherche à dénoncer ou à pointer du doigt les injustices !  Pour cette série précisément, l’idée m’est venue de mon quotidien… en donnant à manger à mes enfants. J’ai souhaité m’intéresser à ce qu’il y avait dans leur assiette ! Alors, j’ai sélectionné les dix-sept aliments les plus consommés par les familles et j’ai fait des recherches sur leurs composants. Parmi ceux-ci, on compte des pesticides, des perturbateurs endocriniens ou des additifs alimentaires… Chaque image représente un de ses aliments et les effets dévastateurs de ce que ces composants peuvent engendrer sur la santé… Pour rendre un peu plus tangibles ces résultats, j’ai inséré un QR Code qui donne accès à tous les effets indésirables de ces produits ! C’est ce travail de documentation qui a été considérable… Ce n’est pas très facile d’obtenir des infos… il faut fouiller beaucoup, être très patient. Vous savez, l’industrie agroalimentaire a beaucoup, beaucoup de pouvoir… Douze groupes détiennent le marché mondial de l’industrie agroalimentaire… Mon choix est de m’engager à faire connaître les enjeux sanitaires de cette consommation et les risques encourus… je me sers de l’art comme un puissant support de sensibilisation.

Vos images ont demandé beaucoup de travail de postproduction… combien de temps avez-vous eu besoin pour faire cette série ?

Les prises de vue ont été réalisées en 3 jours. Mais j’ai eu besoin de trois mois de préparation pour définir l’esthétique du projet. Par exemple, choisir ce fond bleu ciel et les couleurs criardes, comme le monde de la publicité l’utilise pour vanter ces produits. Trois autres mois ont été nécessaires pour les recherches et la réalisation des « fiches produits » disponibles via les QR Codes présents sur les images. Le travail de postproduction a été réalisé en collaboration avec ArtKan, artiste numérique.

Les Mutants

Vos séries dénoncent événements sociétaux…

Depuis de nombreuses années, mon travail artistique porte mon engagement et les valeurs qui me sont chères. Chacune de mes réalisations interroge l’humain et les problématiques qui le traversent. J’ai ainsi toujours tenu à réaliser des projets, qui par le questionnement qu’ils suscitent, portent une dimension sociale d’éducation, de sensibilisation et de prévention.
Finalement, je suis un observateur du grand barnum humain… il y a plein de choses qui me rendent heureux et d’autres qui m’attristent. La photo m’aide à retranscrire ces émotions.
Mais pour moi, la photo doit dénoncer et sensibiliser ! Auparavant, j’ai beaucoup fait de photos de rue, en argentique noir et blanc. Mais ce type de photo demande énormément de disponibilité… Aujourd’hui, je préfère la photo de studio où l’on passe beaucoup de temps à penser les lumières, les décors, les ambiances. Je trouve que le travail de chef op’ est passionnant…. C’est sans doute parce que je viens du monde du cinéma ! D’ailleurs, celui avec lequel je travaille s’appelle David Le Mevel.

Dans votre travail, avez-vous une série qui vous tient particulièrement à cœur et pourquoi ?

Oui, il y a la série Discriminations qui date de 2016. Je l’ai réalisée dans le cadre d’une résidence artistique d’un an au Centre Tignous d’Art contemporain à Montreuil.
Pour celle-là, me suis inspiré des 20 critères de discrimination prohibés par la loi.
Depuis sa réalisation, chaque année je mène aussi des interventions de sensibilisation aux discriminations dans les écoles de Montreuil. J’ai également réalisé avec des enfants de la ville, un film sur le même thème qui passe également dans les écoles.

Pourquoi avez-vous abandonné le cinéma ?

Je m’y ennuyais ! Pourtant j’ai fait plein de choses, régisseur, assistant metteur en scène… Les projets sur lesquels je travaillais ne me passionnaient plus. Même si le statut des intermittents permet de gérer les périodes creuses, je ne me voyais plus faire ce métier. C’était devenu trop confortable presque… C’était comme une perte de temps. Aussi, j’ai préféré arrêter pour la photo même si au début, c’était très difficile financièrement.

Vous avez fait le choix de la photo il y a plus de vingt ans maintenant… Est-ce que vous voyez une évolution dans votre travail ?

Oui ! Je deviens de plus en plus pointilleux et exigeant ! Je m’aperçois qu’il faut être patient et qu’il ne faut pas s’arrêter de travailler ! Travailler et travailler encore ! Je crois que le secret c’est d’être patient car le travail finit toujours par payer.

Et vos projets ?

Le projet le plus immédiat est une exposition intitulée « Passeurs de Mémoire(s) » qui a lieu sur le parvis de la marie de Montreuil (Seine-Saint-Denis). En novembre, à l’initiative de la ville de Montreuil, j’ai participé au voyage en Pologne, sur le site des camps de concentration et d’extermination d’Auschwitz I et d’Auschwitz II – Birkenau. J’y ai fait des photos… L’expo se tient en ce moment  jusqu’au 1er juillet. Puis en avril dans le cadre du mois de la photo-OFF 2019, j’exposerai à Montreuil… toujours.

Autres expositions et événements à voir bientôt

• En juin : la Galerie Ménil’8 – 8, rue Boyer – 75020 Paris,
• En juillet : la série Les Mutants sera montrée aux rencontres de la photographie d’Arles, à la galerie Aux Arts etc. – 55, place Voltaire – 13200 Arles,
• A partir de septembre 2019, Pierre mènera des actions de sensibilisation dans les écoles grâce à sa série Les Mutants. Une collaboration avec différentes mutuelles est en cours d’élaboration toujours pour sensibiliser les plus jeunes.

Plus d’informations : 
Site : www.pierreleblanc.be
Instagram : www.instagram.com/pierreleblanc.studio
Facebook : Pierre Leblanc-Photographe