Ilyes Griyeb photographie la jeunesse marocaine et publie un livre photographique, Morocco, à la narrative puissante et sincère. Une œuvre à l’authenticité désarmante qui dépasse le style documentaire. (Photo d’ouverture : © Ilyes Griyeb)
Le photographe Ilyes Griyeb a commencé à photographier la jeunesse marocaine de Meknès en 2013. Son père, qui est né au Maroc mais a émigré en France dans sa jeunesse, avait acheté une ferme dans cette ville. Après y avoir passé quelque temps, Griyeb a commencé à photographier sa famille et ses amis. Ce fut pour lui le début d’une carrière de photographe et directeur artistique, une révélation créative. Le livre Morocco résume ces années et cette démarche. Une approche qui fuit l’esthétisation du pays et l’exotisme facile pour se rapproche réellement de la société marocaine et de sa jeunesse.
Le projet a muri pendant des années : un fil narratif s’est ensuite dégagé. La série sort du style documentaire pour devenir aussi une histoire, un récit passionnant et intimiste, grâce à l’usage des portraits. Le photographe part à la recherche de vérité, d’une forme d’authenticité, sans jamais créer de mises en scènes, toujours en prenant ce qu’il y a à prendre d’une scène, d’un personnage. Le portrait est une rencontre qui se fait réellement à deux.
Avec un style qui a quelque chose d’iconoclaste, quelque part entre le réalisme, le portrait et la photographie de mode, affichant des couleurs vives et contrastées, les 74 images qui composent le livre offrent un aperçu révélateur de la vie des jeunes que le photographe nous présente.
« Mon idée de départ était de dresser un portrait de la jeunesse marocaine, mais j’ai vite compris que ce n’était pas un monolithe. Il y a deux types de jeunes à Meknès : l’un vit de manière traditionnelle, en travaillant dans l’agriculture, en se mariant tôt, en prenant la vie un jour à la fois ; l’autre regarde au rêve américain ou, plus exactement, le rêve européen. Tout est question d’apparence, de médias sociaux, de valeurs capitalistes. J’ai donc commencé à documenter la façon dont ils coexistent un peu sur la corde raide, et la tension sous-jacente entre eux » raconte l’artiste à AnOther.
Cette dichotomie, Griyeb la raconte de l’intérieur. Il se positionne en tant que narrateur d’un pays et d’une culture dont il veut se réapproprier. Car oui, le récit a souvent été le monopole de voix qui ne l’ont pas vécu, celui d’images et de mots qui ne peuvent pas comprendre, qui ne peuvent pas cerner jusqu’au bout. Son travail est aussi une remise en cause importante et nécessaire de l’appropriation culturelle.
« Le Maroc est un pays très attentif à son image et les photographes ne sont pas très bien considérés par la police. J’ai déjà été arrêté et interrogé plusieurs fois par les services secrets », dit-il. Selon lui en effet, le Maroc a souffert de l’exotisation dans la mode et dans la publicité. « Ce sont deux milieux qui se soucient très peu de la réalité sociale du territoire qu’ils consomment. Dans mon travail, j’essaie de rétablir une certaine vérité du mieux que je peux ».
L’ouvrage est un essai historique et sociologique en photographie, mais aussi une superbe histoire qui se regarde comme se lit un roman. Il est aussi le premier opus publié par un jeune talent qui promet, par son regard acéré, de bousculer les codes de la photographie documentaire et du portrait.
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Pour acheter le livre :
Livre MOROCCCO
24x28cm couverture en cuir dur
120 pages, édition de 500 exemplaires
Source : AnOther
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