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Rencontre : Stanley Greene, entre Chien et Loup

Stanley Greene est une figure légendaire de la photographie de guerre. Actuellement exposé à La Petite Poule Noire, il est venu samedi dernier à la rencontre de son public. Nous en avons profité pour vous ramener M. Greene à travers ses images et ses propres mots.

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Stanley Greene, 62 ans, fait partie de cette espèce rare que sont les grands photojournalistes de guerre.
Né à Harlem en 1949, il se montre très vite engagé : membre des Black Panthers, activiste contre la guerre du Vietnam. Il étudie la photographie à l’école des Arts visuels de New-York.

Fan de Jim Hendrix, il voulait être guitariste. Il sera photographe. Sa rencontre avec William Eugène Smith le décidera à devenir photojournaliste. Il travaillera pour différents magazines, partira en 1986 sur Paris où il s’essaye à la photo de mode. La chute du mur de Berlin lance sa carrière de photojournaliste. Il parcourt alors les pays déchirés par la guerre et les catastrophes naturelles: Irak, Somalie, Croatie, Kashmiri, Haïti, l’après Katrina en Nouvelle Orléans, la Tchétchénie qu’il va couvrir pendant 10 ans. Toujours au cœur des zones de conflit, toujours là où l’horreur côtoie la réalité.

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Cette exposition, infime reflet de ses nombreuses vies, a été réalisée en étroite collaboration avec son tireur photo depuis plus de 15 ans, Nathalie Lopparelli (fondatrice de Fenêtre sur cour).
Ensemble, ils se sont plongés dans les immenses archives de Greene. Difficile de se (re)retrouver face à l’horreur de certaines scènes, parfois volontairement oubliées, et pour certaines non publiées ni exposées car qualifiées «d’immontrables». Une partie de ces images, sans chronologie aucune, est montrée dans le sous-sol de la galerie, renommé « l’enfer de Greene ». Personne n’en sortira indemne.

Deux heures de rencontres, d’anecdotes et de débat.

Physique impressionnant, charisme saisissant, il déambule parmi nous, vêtu de noir, à l’allure de rock star qui contraste avec sa vision sans compromis sur ce métier si particulier. Les doigts recouvert d’énormes bagues en argent « pour se rappeler qui il est, d’où il vient et ne pas perdre la tête ».
Et lorsque Stanley Greene répond à vos questions, c’est d’abord avec précision avant de vite déborder du cadre en partageant des moments de vies et des professions de foi.

Nous vous avons marié aux images de l’exposition des morceaux choisis de la conversation : parce que les images de Stanley Greene ne s’appréhendent  jamais aussi bien qu’à travers ses propres mots.

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« Quand t’as survécu à un concert de musique à San Francisco, tu peux survivre à tous les conflits ! J’ai du survivre à la foule, les bousculades, la drogue les guitares qui cassent… » S. Greene


« On ne fait pas photographe de guerre parce qu’on aime ça, mais parce qu’on a quelque chose à donner en retour. On doit raconter ces histoires qui se passent même si les gens ne veulent pas voir » S. Greene

 

« Ces images sont mon histoire. Ce n’est pas une rétrospective, ça ne doit pas être vu de cette façon…
C’est une mince entrevue de ce qu’il y a sous la carapace »
S. Greene

 

« Est ce qu’on peut encore dire photographe de guerre, alors qu’aujourd’hui, on couvre aussi bien des conflits que des catastrophes naturelles ? On parle peut-être de photographe de crise » S. Greene

 

« Quand je sors boire des verres avec des collègues, ils se droguent et boivent à l’extrême pour tenter d’évacuer et de se défouler. Moi j’ai la chance d’être très bien entouré et d’avoir des amis solides comme Nathalie. Sinon tu deviens fou. » S. Greene

 

« Stanley aime les images très contrastées et dense, comme moi. Notre collaboration a tout de suite fonctionné, nos esprits étaient connectés. » N. Lopparelli

 

« Nathalie est non seulement un très bon tireur mais elle a un excellent œil. Elle connaît mes archives mieux que moi. Elle a retrouvé des clichés que j’avais totalement oublié. » S. Greene

 

« La salle de « l’enfer » a été construite en premier. Il était nécessaire d’exposer ces images jamais montrées. D’elle en a découlé le reste de l’exposition. » N. Lopparelli

 

« Qu’il soit en colère, fâché, choqué » S. Greene en réponse à une question « qu’attendez vous comme réaction du public à la vue de vos photos ?  »

 

« Moi j’aime les femmes. Et y’a cette histoire tellement tragique à Puorto Rico qui est devenu l’endroit où  il y a le plus fort taux de prostitution par la drogue. Les filles sont accostées sur la plage par ces mecs magnifiques juchés sur leur moto qu’on appelle des cow boys. Ils leur font croire à l’amour ensuite  leur font prendre des drogues puissantes et addictives, leurs volent leurs papiers et les brisent mentalement. Elles deviennent très vite accros, se prostituent  et sont tellement honteuses qu’elles ne se battent pas pour s’en sortir. » S. Greene

 

« NON, le photo journalisme n’est pas mort ! oui c’est dur, oui il n’y a plus d’argent. Tu seras jamais riche en faisant du photojournalisme. Ce n’est pas un business. On doit montrer au monde ce qu’il se passe, rien d’autre. »
S. Greene

 

« J’ai toujours gardé mes pellicules sur moi, sauf dans certaines situations où cela pouvait me mettre en danger. Je me servais alors des allers-retours de l’agence Vu pour faire passer la frontière à mes films. »
S. Greene

 

« Cette image d’un homme blessé a été prise 30 seconde après une explosion à Grozny en Tchétchénie. Elle se nomme « 30 secondes ». Nous avons retrouvé la prise de vue en contre champ prise 40 secondes après. On voit alors que le civil a perdu ses jambes. Il mourra quelques minutes plus tard. Ce diptyque nous est alors apparu comme essentiel à la salle de « l’enfer » . »
N. Lopparelli

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En observant la complicité entre Greene et Lopparelli, on comprend l’importance de la relation entre un photographe et son tireur. Nous vous reparlerons plus en détail du travail de Nathalie dans un prochain article.

Stanley Greene est membre fondateur de l’agence Noor. Il forme de jeunes photojournalistes et continue de couvrir les évènements importants à travers le monde.
Il publie de nombreux livres dont Open Wound sur la guerre de Tchétchénie ainsi que Black Passport.
Et on ne vous le dira jamais assez, voir les expositions et acheter les livres d’un photographe reporter c’est soutenir ces héros modernes mais en voie de disparition. Quoiqu’en dise Mr Greene.

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+ Stanley Greene : « Entre Chien et Loup », La Petite Poule Noire. Jusqu’au 23 décembre

commentaires

Ajouter le vôtre
Sby
Il y a 13 ans

J’étais tombé au hasard sur une interview de lui dans Libération. Le mix entre son look « New Jack City » et ses propos démontre une fois de plus que l’habit ne fait pas le moine ;)!

Merci pour l’info sur son expo, je ne vais pas manquer ça!

(J’ai retrouvé l’itw, mais la photo n’est pas visible: http://www.liberation.fr/portrait/0101637248-le-fixateur)

Il y a 13 ans

La force de ses photos est exceptionnelle !
L’homme ne manque pas d’humour noir (comme le noir profond de ses photos).
Merci pour avoir partagé cela avec nous.

Il y a 13 ans

Des images très très fortes…

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claire35
Il y a 13 ans

merci pour ce feedback et ce portrait!

Il y a 13 ans

Très intéressant cet article. Ca doit etre fascinant de discuter avec ce photographe pour connaitre ce qu’il a vécu.

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pouleta
Il y a 13 ans

J’adore…la partie biographie détaillée avec une juste mesure et l’idée des photos commentées par le monsieur au bonnet himself font que cet article donne juste une irrésistible envie de se rendre à la Petite Poule noire au plus vite.
Vue la passion que ce monsieur a de nous éveiller ou réveiller face à ce qu’il peut se passer au delà de notre petite vie de nantis sans aucune velléité de renflouer son compte en banque, fait qu’il peut se permettre de s’habiller un peu comme il le souhaite au final…

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Clement
Il y a 13 ans

Impressionnantes images…

Question, un tireur dans ce contexte, c’est un « vrai » tireur ou bien ça désigne autre chose ?

Il y a 13 ans

Exceptionnel !

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Anat
Il y a 13 ans

Une partie de son travail était montré lors de l’expo « photographie de guerre » du MEP, jusqu’en septembre, non ?

Il y a 13 ans

les lunettes de soleil et le bonnet dans un salon pour expliquer son bazar … mais que le monde est petit !

Il y a 13 ans

Le bonhomme est assez impressionnant, autant que ses images en tout cas.

Il y a 13 ans

Oui il y avait surement une photo de Green dans le lot. Mais il faut savoir qu’à la Petite Poule noire, plusieurs de ses clichés, retrouvés entre autre par Natalie Lopparelli, son tireur, n’ont jamais été exposées.

Il y a 13 ans

Le tireur (ici Nathalie Lopparelli) « tire » des photos. Elle ne développe pas les films, elle s’occupe uniquement des tirages argentiques noir et blanc des photographes, dans son petit labo « fenêtre sur cour ».

Il y a 13 ans

Jelly prépare un article dédié sur cette profession !

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Clement
Il y a 13 ans


Question idiote. (en plus j’en fais des tirages). Merci pour vos réponses !

Il y a 13 ans

Merci pour le lien!

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