Annoncée précédemment, nous avons le plaisir d’innaugurer aujourd’hui sur Lense notre nouvelle section : voici la « Tribune » ! Cette fois, nous partons avec Pauline et François, un couple qui voyage à travers le monde avec leurs appareils Leica et Sigma, pour des résultats magnifiques. Ils nous livrent dans la suite leurs choix et leurs techniques.
Pauline & François
Bonne rencontre !
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Pour débuter cette rubrique, nous avons rencontré le couple de photographes tenant le blog photo de voyage The Voyageur. Ramenant de superbes images des 4 coins du monde, Pauline et François possèdent une touche très personnelle sur leurs images.
Ils nous expliquent dans cette tribune leurs choix assez singuliers de matériel photo et leurs approches et inspirations esthétiques. Bon voyage !
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Pauline et François sont un couple dont les passions et les jobs ont pour point commun la photo et le voyage. Mêlant l’utile à l’agréable, ils parcourent ainsi le monde, équipés d’un étonnant duo de boitiers photo (nous en reparlerons plus tard).
Ils nous partagent dans cette première tribune Lense leur approche de la photo et du voyage.
Pauline : Quand trouver l’inspiration fait partie de votre quotidien, on s’arrange pour faire du voyage et de la photographie des nécessités. Je fais un métier créatif où il faut sans cesse trouver de la matière pour se renouveler, c’est pourquoi la disponibilité d’esprit que m’accorde ces moments passés ailleurs et ce temps réservé à explorer et contempler me sont très précieux !
François : Pour ma part, j’ai commencé à pratiquer tous les jours la photographie pour m’échapper de la routine parisienne. Le yoga vous réapprend à respirer, la photographie à regarder les choses ou les gens d’une nouvelle façon. Elle permet aussi de donner du sens à des détails. C’est tout con, mais ça a changé mon quotidien, que j’ai un appareil autour du cou ou non.
Le Louvre, Paris, Leica MP, Super-Angulon 21mm
« LA BRIQUE NOIRE »
Si le voyage demande des appareils photo polyvalents comme des reflex, notre duo à chacun opté pour des choix singuliers : Pauline s’est tournée vers le compact numérique Sigma DP1, au capteur aussi brillant que le reste est d’un autre temps. François a quand à lui toujours voulu travailler en argentique et plus particulièrement, en Leica…
P: Quand j’ai voulu investir dans un appareil photo il y a cinq ans, c’était avec en tête l’envie d’en trouver un avec une personnalité. C’est avec un Sigma DP1 que je suis partie au Vietnam. Le boîtier noir et austère, à mille lieues des gadgets miniaturisés et futuristes de l’époque avait une identité singulière et sans compromis: j’avais l’impression d’avoir trouvé l’intrus dans un océan d’images numériques uniformes. Quelques années plus tard, je passais au DP2 Merrill, la partition s’était sophistiquée, mais l’intention restait la même.
F : Un Leica MP, c’était un rêve d’adolescent, et un achat de trentenaire qui cassé sa tirelire une fois pour toute… J’ai commencé avec un Ricoh GXR il y a deux ans et demi parce que je suis tombé sur une occasion et que ce que je voulais, c’était avant tout utiliser des optiques Leica anciennes comme les Summicron. Puis, quand l’occasion d’un MP s’est présentée en seconde main, je n’ai pas résisté… Depuis, j’ai utilisé d’autres appareils, pour ne conserver finalement qu’un MP et un Hasselblad Xpan.
Kyoto et Osaka, Japon, Leica MP, Summicron Rigid 50mm et Ricoh 28mm ltm
« OUVRE LES RIDEAUX, JE VAIS GAGNER UN DIAPH »
Evidemment, ces choix d’appareils exigeants quand ils ne sont pas capricieux, engendrent un apprentissage long et douloureux, à l’inverse de la tendance actuelle en photographie.
P : La courbe d’apprentissage sur les DP n’est pas la même que sur un appareil classique. Même si de petits miracles se produisent dès le début, il faut un peu de temps pour comprendre le boîtier. Après un été passé à shooter avec des objectifs Leica vintage sur le Ricoh GRX de François, j’ai pris le goût de travailler en mode manuel et je ne m’imagine plus faire autrement.
F : Je prends la plupart de mes photos à la volée, très rapidement. Je ne fais quasiment jamais poser, je n’y trouve pas d’intérêt. 1/500, Trix 400 iso, puis je prérègle mon objectif entre f4 à f11 selon l’intensité lumineuse, j’ajuste la mise au point rapidement au télémétrique, et clic. Je n’arrive pas à avoir des résultats satisfaisants avec des autofocus (Contax T2, Ricoh GR1v, etc.). Je n’utilise pas encore de flash, j’ai un objectif pour les prises de vues nocturnes (MS optical 50mm f.1.2, qui s’utilise plutôt à f1.4), et un scanner très satisfaisant (Coolscan 4000). Bref, je n’ai pas besoin d’autre chose que ce boitier si je veux faire du 24×36.
Kyoto, Japon, Leica MP, Canon 35mm f2 ltm
« CROP CROP CROP »
Chaque boitier offre une vision différente de la photo : Pauline aiment la précision chirurgicale que le numérique lui offre, quand François ressent toujours autant d’affection pour le côté organique de la pellicule.
P : La magie du Merrill c’est la précision surréelle du capteur. Cela ouvre des possibilités incroyables de recadrage en post-production…à condition d’en prendre le temps! La netteté bord à bord, même à f2.8, donne vraiment beaucoup de liberté.
F : Il m’arrive de recadrer, mais c’est assez rare. Techniquement, mes photographies sont je-m’en-foutistes… Il peut y avoir de la poussière, des expositions ratées, des sujets flous. La pellicule est un support qui offre un second souffle à un cliché sans intérêt. J’en profite un peu trop, pour être tout à fait honnête. Ce qui est sûr, c’est que je ne veux pas me conformer à des règles lorsque j’utilise un boitier.
Tomo No Oura, Japon, Leica MP, Canon 35mm f2 ltm
« GOOD THINGS COME TO THOSE WAIT »
Et côté post traitement alors ? Entre l’ordinateur et dans une chambre noire, on pourrait penser que François passe beaucoup plus de temps que Pauline à « développer » ses images. C’est sans compter sur les logiciels mal conçus…
P : Le tristement célèbre Sigma Photo Pro est jusqu’à présent le chemin de croix inévitable des utilisateurs de DP. Lent et peu fonctionnel, il rend le développement assez laborieux. L’avantage? Il réfrène les envies de prendre 8500 photos, comme si on était encore aux débuts du numérique! Je prends mon mal en patience et pense au temps nécessaire pour déchiffrer la complexité du capteur Foveon pendant que la barre de chargement progresse tranquillement.
F : A part le développement et la durée du scan, le post process est très rapide en argentique. Cela laisse aussi la possibilité d’un tirage en chambre noire lorsque j’en aurais le temps et des clichés qui le méritent. Encore toute une autre histoire, avec ses ratés et ses joies.
« CA RENTRE PAS DANS LE SAC »
Question cruciale : qu’emporte-t-on avec soi, lorsque l’on est en voyage et donc, en vadrouille toute la journée ? Un seul appareil pour tout, ou un appareil pour chaque occasion ?
P :Mon envie de varier les boîtiers a pour limite ma réticence à en transporter plusieurs. L’encombrement et la capacité à choisir le bon boîtier au bon moment m’intimident encore un peu mais avec la sortie du DP2 Quattro, qui semble être plus un complément qu’un remplacement de mon DP2 Merrill, ces questions restent en suspens.
F : MP autour du cou, et d’autres formats dans le sac quand je le peux. Pour le moment, c’est un Xpan, c’est-à-dire un appareil panoramique 24×65 qui est un bonheur à utiliser, même en photo de rue, bien que ça ne soit a priori vraiment pas fait pour. Je réfléchis depuis un bout de temps à un moyen format 6×6, et ce sera sans doute un Hasselblad SWC… Je cherche avant tout des boîtiers fiables, résistants, que je peux trimbaler en voyage ou dès que je sors de chez moi.
Métro, Paris, Leica MP, Summicron Rigid, 50mm
Kurashiki, Japon, Leica MP, MS Optical Sonnetar 50mm
« IL AIME TOUT CE QUI BRILLE »
P : Les points forts des DP ont nourri des obsessions esthétiques déjà présentes et aussi forcément influencé mon style. Le rendu spectaculaire des textures et des reflets, notamment sur le Merrill, en fait un excellent appareil pour l’architecture, les paysages minéraux et les natures mortes. Sa faiblesse c’est définitivement le portrait, mais c’est plutôt le domaine de François, donc les choses sont bien faites!
F : Les points forts d’un télémétrique tel que le MP ? Il offre tout ce que je désire dans un appareil : robustesse, simplicité de l’ergonomie, compacité et efficacité immédiate.
Sensui Jima, Japon, Sigma Dp2m
Palazzina Cinese, Palerme, Italie
« TESTER SES LIMITES »
Ce choix de matériel engendre bien évidemment certaines limitations, mais en deviennent-elles des frustrations ?
P : Le Merrill et la monté en ISO, c’est une histoire difficile: impossible de monter au dessus de 800 et les dérives vertes sont vite arrivées (même si SPP les corrige plutôt bien). Pourtant le capteur fait aussi des miracles en basse lumière. Je n’hésite d’ailleurs pas à sous-exposer pour conserver un maximum de détail et limiter les flous.
F : Pellicule 3200 ISO chez Ilford, fabricants qui proposent de nouvelles références de pellicules (Adox, Rollei…), tireurs parisiens d’exception… Personnellement, je ne vois pas beaucoup de limites à ce que permet l’argentique ; je n’aperçois que les miennes.
Sigiriya, Sri Lanka, Ricoh GR1 et Leica MP, Summicron Rigid 50mm
« After effects »
P : Avec le Merrill le post-traitement est une étape cruciale. Toutes les infos sont là, dans le X3f, mais pour moi ce sont les réglages (sous SPP et Photoshop) qui vont vraiment donner le ton d’une série. J’ai un background d’arts graphiques, du coup la frontière entre dessin et retouche photo me semble très fine. C’est vrai que c’est un gros investissement de temps mais avant de poster une série je me pose vraiment la question de sous quel jour j’ai envie de faire découvrir ou re-découvrir un endroit. Comme pour mes photos du Caire, où je voulais vraiment mettre en avant le côté kaki et doré de la ville.
F : C’est certain que je passe moins de temps devant l’écran à m’arracher les cheveux sur des dérives vertes que ma femme ou même à sélectionner le bon cliché ! Pour vous donner une idée, Pauline est rentrée avec près de 2000 photos de notre voyage au Japon, pays hautement photogénique, tandis que je suis revenu avec 11 pellicules de 36 poses, soit 352 photos. Peut-être que je passe plus de temps derrière le viseur, dehors, du coup, en tout cas, cela tord un peu le cou à l’idée que les numériques sont des appareils qui optimisent votre productivité…
« Vers l’infini et au-delà »
Comment gère-t-on ses deux passions ? La Photo décide-t-elle du Voyage, ou est-ce l’inverse ?
P : La photo ne gouverne pas encore nos choix de destinations, mais une fois sur place on essaie de ne pas laisser passer une belle opportunité, comme cet été au Portugal, quand on nous a proposé de visiter une carrière de marbre. Je passe pas mal de temps à réfléchir aux voyages à venir, mais notre séjour au Japon au printemps a été un tel coup de cœur qu’y retourner s’impose comme une évidence!
F : Je pense que ce que l’on réalise dans nos différents projets photographiques ma femme et moi-même, c’est avant tout un travail de documentation, quelque chose qui n’a pas toujours d’intérêt présentement, mais qui en gagnera les années passants, pour nos enfants, les curieux, et les photographes qui nous remplaceront bien vite. Il y a des amateurs et des professionnels sur Flickr qui commencent à ressortir leurs archives des années 70, 80, 90 : c’est toujours un plaisir de découvrir de tels documents.
Puces de Saint Ouen, Paris, Dp2m
Paris, Leica MP, Summicron Rigid 50mm
Rhodes, Grèce, Leica MP, Summicron Rigid 50mm
Londres, Leica MP, MS Optical Sonnetar 50mm
Paris, Leica MP, Summicron Rigid 50mm
Vienne, Autriche, Leica MP, Canon 35mm f2 ltm et Super-Angulon 21mm
Sintra, Portugal, Leica MP, Summicron Rigid 50mm
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2 commentaires
Ajouter le vôtre« Un Leica MP, c’était un rêve d’adolescent, et un achat de trentenaire qui cassé sa tirelire une fois pour toute… ».
Arghhh !!! Moi aussi je suis trentenaire. Me reste plus qu’a casser ma tirelire une fois pour toute. 😉
Belle découverte et magnifiques photos. C’est « frais » comme on dit aujourd’hui. Vivement la prochaine « Tribune ».
Merci !