La galerie Ségolène Brossette accueille jusqu’au 29 juin l’exposition de Christophe Beauregard « Trouble dans le portrait », une interrogation audacieuse et impertinente de notre rapport à l’image de soi à l’ère du narcissisme photographique. (Photo d’ouverture : © Christophe Beauregard)
Après que l’exposition de Christophe Beauregard « Trouble dans le portrait », ait été reportée, la galerie Ségolène Brossette nous propose jusqu’au 29 juin de pouvoir enfin l’admirer. Le parcours nous plonge dans l’œuvre du portraitiste français, qui se penche sur cette pratique à l’heure du selfie et du narcissisme effréné. Figure de proue du portrait en France, Beauregard publie dans les plus grands magazines et collabore avec des marques et institutions sans jamais renoncer à son credo : une représentation du corps authentique, qui fuit l’aliénation de la société des apparences. Le photographe ne fournit jamais à ses modèles un portrait flatteur, mais plutôt la preuve en image de leur condition.
Comme « un faiseur d’images lucide », refusant l’illusion de la représentation flatteuse ou servile et lui préférant le contrôle sur les images qu’il produit, le photographe se joue de la visée esthétique du portrait. La série photographique Why Not Portraits ? (2019) est à cet égard signifiante : chaque modèle qui y prend la pose vient avec ses arguments (jeunesse, prestance, attitude de force), une position avantageuse que le photographe désamorce en faisant poser ledit modèle devant un fond inapproprié, en l’occurrence un tissu imprimé démodé évoquant, en termes symboliques, le déclassement.
Comme l’écrit Paul Ardenne, historien de l’art, le portrait est tout autant une célébration du sujet qu’un subtil memento mori. Il est une preuve d’existence autant qu’une preuve de finitude. C’est cette vanité que Beauregard capture, en remplaçant les natures mortes typique de ce genre artistique par des corps humains bel et bien réels. A la manière des photographes anthropologues August Sander, Diane Arbus, Richard Avedon, le photographe conduit ici une étude presque sociologique.
L’exposition « Trouble dans le portrait » présente quatre séries photographiques réalisées par Beauregard entre 2007 et 2020. Semantic Tramps (2007) se consacre à la désocialisation, à ses images et à ses clichés médiatiques. It’s Getting Dark (2011-2014) offre une réflexion, menée par l’image et le geste, sur le corps voilé. Le Meilleur des Mondes (2012) et Why Not Portraits ? (2019) questionnent notre rapport à l’identité sur fond de culture du narcissisme et d’uniformisation de l’image corporelle.
A l’heure du selfie et de PhotoShop, le photographe souligne l’importance de déconstruire notre rapport à l’image.
Avec audace, le photographe nous pose des questions existentielles aussi bien que photographiques : comment, portraitiste, ne pas mentir ? Le portrait-vérité est-il tout simplement possible ?
A la galerie Ségolène Brossette jusqu’au 29 juin.
Source : Ségolène Brossette
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