Spécialisée dans l’achat d’art, Laure Bouvet lance Well Done John. Deux ans après sa création, l’agence structurée autour de l’achat d’art et du coaching pour photographes évolue. Entretien avec sa créatrice.
Pourriez-vous nous présenter Well Done John (WDJ) ?
C’est une société que j’ai créée il y a deux ans, et qui propose deux types de services : l’achat d’art pour les agences de publicité ou les clients en direct, et le coaching pour les photographes. Ces deux activités sont fondées sur mon expérience de plus de dix ans dans le monde de la photographie, et plus particulièrement dans celui de l’achat d’art. En tant qu’acheteuse d’art, je suis en charge de la veille artistique pour l’agence, et je sélectionne les photographes pour réaliser les campagnes de publicité, que je produis par la suite.
Votre agence proposait-elle les deux services dès sa création ?
Oui, tout à fait. Je suis acheteuse d’art depuis plus de dix ans maintenant (Young & Rubicam, Fred & Farid, La Chose), et je le suis toujours pour différentes agences de publicité. Cette activité m’a permis de rencontrer de nombreux photographes, de les écouter et de leur donner des conseils. Au fil du temps, j’ai décidé de créer ce service de coaching pour photographes. Depuis deux ans maintenant, je suis totalement indépendante et je me consacre entièrement à ma société Well Done John.
Comment vous est venue l’idée de ce service ?
Le monde de la photo a beaucoup évolué en dix ans. Les règles du jeu ne sont plus du tout les mêmes. Les briefs ne sont plus les mêmes, les droits d’auteur ne sont plus gérés de la même manière, les réseaux sociaux prennent une place considérable…
Parmi ces énormes évolutions, il y a la question de la rémunération. Sur cette période d’une dizaine d’année, les photographes ont en moyenne vu leur chiffre d’affaires baisser de 80 %.
Ce résultat est la conjonction de nombreux facteurs. Le numérique a pris la place qu’il a aujourd’hui. Petit à petit, le rôle des photothèques a gagné en influence. Elles occupent désormais une place considérable dans les campagnes publicitaires. Les photothèques ont généralisé la notion de « libre de droits ». Une notion qui vient des États-Unis et qui, juridiquement, est abusive en France. Cela complique le fait de se faire payer les droits d’auteur. Et puis, il y a des plateformes comme Meero qui essayent de bouger les lignes, pas forcément dans la bonne direction du point de vue des photographes, avec une uberisation du métier de photographe.
Parmi les transformations notables, il y a le travail des agents qui observent une baisse considérable de leur chiffre d’affaires et sont majoritairement contraints de ne plus représenter que les photographes qui travaillent déjà beaucoup. Aujourd’hui, une grande partie des photographes n’ont pas la possibilité d’être accompagnés. Le rôle que jouaient les agents pour repérer les photographes, les aider à grandir, à se développer, n’est plus le même. C’est là que j’interviens. C’est cet accompagnement que je propose à travers les services de Well Done John.
Justement, à qui s’adressent les services de Well Done John ?
Il y a différents types de profils. Cela peut être un photographe expérimenté qui cherche à mieux comprendre les règles du jeu. Quelqu’un qui travaille depuis un moment et qui se rend compte que cela ne fonctionne plus de la même manière aujourd’hui qu’il y a dix ans. Ou bien un photographe qui cherche à renouveler son identité. Des professionnels lassés de faire toujours la même chose qui souhaitent ajouter une corde à leur arc, tout en s’assurant que l’ensemble soit cohérent, qu’ils puissent établir des ponts entre les différentes identités de leur travail. Et puis, il arrive que des photographes viennent me voir en tout début de carrière pour bien comprendre comment le monde de la photo fonctionne, les règles du marché, les pièges à éviter, les différents aspects à maîtriser, pour être sûr de se lancer de la bonne façon. Cela couvre des domaines aussi variés que leur site internet, la gestion de leur compte Instagram, la question des droits d’auteur, des statuts.
Comment se passe la prise de contact ?
En général, ce sont plutôt les photographes qui viennent me voir. Le bouche-à-oreille et mon réseau issu de mes dix ans de carrière fonctionnent énormément.
Comment évaluez-vous la connaissance qu’ont les photographes du marché de la photo, de leurs droits, de leurs statuts ?
Les photographes ont souvent peur de ne pas travailler suffisamment. Une crainte qui les amène à accepter les conditions que les clients leur imposent. Ils plient sans vraiment chercher à savoir si le client est dans son droit…
Il y a une connaissance largement insuffisante de la part des photographes de leurs droits. Je suis là pour les aider à être plus autonomes sur ces questions. Combien facturer, quels droits d’auteur proposer, comment cadrer les choses… mon but est de les armer dans un marché du travail qui est de plus en plus difficile.
Si vous avez constaté ce changement il y a dix ans, pourquoi avoir lancé les services de Well Done John il y a seulement deux ans ?
Je voyais qu’il manquait quelque chose mais ma réflexion a grandi petit à petit. Je me suis aussi rendu compte que les services de coaching pour photographes étaient très présents à l’étranger mais qu’il n’existait rien de tel en France. Ce délai n’est que le temps de réflexion entre le moment du constat et le lancement de ce service de coaching.
Aviez-vous des objectifs précis en tête ?
Difficile de savoir dans quoi on s’embarque lorsqu’on se lance dans l’entreprenariat.
C’est un plongeon dans quelque chose de totalement nouveau. Je n’avais pas d’objectifs spécifiques si ce n’est de vraiment accompagner les photographes. Une action qui me tenait à cœur. J’ai eu la chance de travailler avec des centaines de photographes dont de très grands noms pendant des années. Je souhaitais me mettre au service de leurs activités. C’était l’objectif principal !
Comment avez-vous fait connaître Well Done John ?
Essentiellement via mon site internet (www.weldonejohn.com) et les réseaux sociaux. Principalement, mon compte Instagram : @welldonejohn. Et bien sûr mon réseau, constitué de tous les agents et les photographes que j’ai pu connaître au cours de ma carrière.
Mon travail de coaching est complémentaire de celui d’agent. Et vice versa. Il m’arrive de préparer un photographe dans sa recherche d’agence, et souvent un agent m’envoie un photographe parce que son book n’est pas encore tout à fait prêt. Je l’accompagne alors jusqu’à ce qu’il le soit.
Combien de photographes coachez-vous ?
En tout, pour le moment, j’ai accompagné environ une cinquantaine de photographes. Ils viennent me voir pour une durée plus ou moins longue. Certains seulement parce qu’ils ont une problématique bien précise. L’accompagnement se fait alors sur trois ou quatre séances. D’autres peuvent avoir besoin d’un suivi sur une plus longue période et de façon plus récurrente. Même constat pour la fréquence et la durée : hebdomadaire, mensuel, bimensuel, sur un mois, deux mois… J’en accompagne aussi certains depuis le début de leur carrière.
Quelles sont les demandes, les besoins les plus courants ?
Elles se situent essentiellement sur deux plans : l’artistique et la carrière. Pour le premier, cela passe souvent par la refonte du portfolio, pour les aider à trouver une identité visuelle de photographe. De façon générale, ils veulent montrer qu’ils savent tout faire pour augmenter leurs chances de travailler. Je reste convaincue que ce n’est pas la bonne stratégie. Je les aide aussi à trouver les mots pour parler de leur travail, trouver leur champ lexical. Enfin, il y a aussi la panne d’inspiration. Il faut alors aider pour trouver de nouvelles idées, de nouveaux sujets de série.
Pour le second, il s’agit surtout de booster leur carrière : comment fixer leurs prix, un tarif horaire, rédiger un devis, ou encore tenir face à la pression. Les questions tournent autour de la négociation, des droits d’auteurs, la présentation de leur travail.
Pour les aider, j’ai créé mes propres outils. Je propose ainsi une matrice qui leur permet d’évaluer le coût de leur travail. J’ai aussi une liste d’ouvrages de référence à disposition.
Quel développement pour Well Done John ?
Mon coaching repose sur des séances individuelles en « one-to-one ». Aujourd’hui, j’ai envie de développer des workshops plus accessibles pour les photographes. Des formations collectives que j’ai à cœur de développer pour que les photographes puissent avoir un espace de discussion entre eux, d’échange. Des ateliers en ligne pour le moment, puis éventuellement en présentiel plus tard.
À quel stade en est ce projet ?
Je suis en plein dedans. Il sera concret à la fin du mois de novembre, début décembre 2020.
Quels sont les tarifs ?
Tout dépend si la durée est très courte ou si l’accompagnement s’étend sur plusieurs semaines, plusieurs mois. Les tarifs ne sont évidemment pas les mêmes dans ces cas-là. Cela peut aller de 50 € à 200 € de l’heure pour les workshops. C’est à peu près la palette des tarifs.
D’où vient le nom Well Done John ?
Il s’agit d’une expression qu’on s’échange à la fin d’un shooting, après « it’s a wrap » pour se féliciter d’en avoir terminé. J’ai trouvé que c’était tout à fait adapté à une activité de coaching avec la notion d’encouragement, d’accompagnement…
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